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Mr Tan : <i>« Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit »</i>  - Doolittle
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Mr Tan : « Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit » 

L’expression n’est pas usurpée : Mortelle Adèle est réellement ce qu’on pourrait appeler un phénomène littéraire auprès des jeunes. « Face de beurk », le 19e tome de la collection, vient encore enrichir l’univers de la petite fille que certains parents ont parfois vite fait de trouver mal élevée. « Courageuse », répond plutôt Antoine Dole, alias Mr Tan, l’auteur de ces bandes dessinées, qui met beaucoup de sa propre expérience dans le personnage d’Adèle.

Vous sortez le 19e tome de Mortelle Adèle, sans compter les autres formats autour d’elle. Qu’est-ce qui a changé chez Adèle depuis le premier tome ? 

Mortelle Adèle est une héroïne qui est née à un endroit profond de solitude, quand j’étais enfant. Les premiers tomes étaient nourris de cette même énergie puisque, longtemps dans ma vie, elle a été le symbole de ça, de mon incapacité à me lier aux autres quand j’étais enfant, de mon impossibilité de faire partie du « groupe ». Puis au fil des tomes, à force de rencontrer des milliers d’enfants, de collaborer avec d’autres artistes, de rencontrer des gens que j’ai eu à cœur de faire rentrer dans cette aventure avec moi, Mortelle Adèle a créé son propre écosystème, des gens avec qui finalement il devenait possible de créer des passerelles. Je trouve que la représentation la plus symbolique de ça, c’est qu’elle est seule sur la couverture du tome 1, et qu’elle est entourée de tout un groupe autour d’elle sur la couverture du Show Bizarre, sorti juste avant le tome 19. Entourée de « Bizarres », comme elle, qu’elle su rassembler et fédérer, sans jamais avoir à renier qui elle est ni à se conformer. Elle a créé son monde à elle, et c’est une des plus belles réussites que j’ai connu sur cette aventure. 

Qu’est-ce qui est le plus compliqué à gérer, pour toi en tant qu’auteur, pour garder une telle régularité sur 10 ans ? 

Je veille à rester sincère, c’est le plus important quand on s’adresse aux enfants. Quand on connait un succès, beaucoup de gens autour de vous, que vous n’aviez pas entendu s’exprimer forcément jusque-là, ont soudain une idée très précise de ce que vous devriez faire pour le faire perdurer, comme si finalement ce n’était absolument pas ni votre vision des choses ni votre intuition qui étaient moteur de ce succès. Vous savez, même si c’est votre création, c’est un milieu où les gens ressentent souvent le besoin de vous expliquer que vous n’êtes pas grand-chose, que vous n’accomplissez rien sans eux, que vous allez forcément gâcher ça si vous ne suivez pas leur avis. On vous donne beaucoup de conseils, on vous dit comment penser votre série. On essaie de la faire rentrer dans des cases dont on vous dit qu’elles sont la seule issue pérenne d’un succès. Cette industrie est très cynique, car elle cherche par de nombreux moyens à approcher cette magie entre un auteur et son lectorat, mais dès qu’elle se tient assez près de quelque chose de beau, c’est comme si elle devait disséquer cette magie-là, la comprendre, la maitriser, et donc forcément la laisser un peu morte sur la table en métal froid… Donc non, je tiens à ce que cette magie reste quelque chose d’insaisissable et fragile. Et tant qu’on a la confiance de nos lecteurs, les seuls à décider, alors on continue. 

Quels sont les pièges et les écueils que tu dois éviter ?

J’essaie de continuer à mener ma barque comme je l’entends, à faire mes choix en concertation avec Diane le Feyer, qui illustre les tomes de la série depuis 2014, après Miss Prickly, qui les a illustrés sur les sept premiers tomes. Ce qui compte pour moi, c’est qu’Adele continue d’exprimer ce pour quoi elle est née un jour, dans mes cahiers d’enfant : c’est à cet endroit-là qu’elle a un rôle à jouer, dans ma vie et dans celles des enfants à qui elle s’adresse. Si qui que ce soit dans cette industrie savait ce qui fait un succès, il y en aurait tous les jours. La vérité, c’est qu’on ne sait pas, ce qui un jour se produit entre un personnage et la génération qu’il rencontre. Donc en tant que créateur, c’est un travail permanent sur soi, pour dompter ses doutes, ses angoisses, et apprendre simplement à se faire confiance. Et je pense que c’est ce que les jeunes lecteurs comprennent, de façon presque animale, qu’on est là devant eux avec humilité, sincérité, et qu’on s’adresse à un moment de leur enfance où nous revenons sans cesse, Diane et moi, grâce à ce personnage. On ne bricole rien, c’est notre ligne de conduite. 

Mr Tan : <i>« Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit »</i>  - Doolittle
Mr Tan : <i>« Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit »</i>  - Doolittle
Mr Tan : <i>« Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit »</i>  - Doolittle
Mr Tan : <i>« Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit »</i>  - Doolittle

Est-ce que tu as déjà eu de longues plages de panne d’inspiration ? 

Il y a ce mythe permanent autour des artistes qui expliquent que nos moments de ténèbres sont des sources inépuisables de création. Je crois que c’est l’inverse en vérité, cette industrie a besoin de créateurs heureux et en pleine forme, et c’est pour ça que les combats menés pour la reconnaissance du rôle de l’auteur et pour sa valorisation dans le monde de l’édition sont si importants. Pour moi, l’acte de création est très lié à l’action de donner. C’est une forme de générosité intérieure, l’envie de donner à l’autre, au monde alentour, nos émotions, notre histoire, notre matière tendre et vivante. Quand vous achetez un ouvrage, vous ne tenez pas seulement une histoire dans vos mains, c’est aussi le passé de son auteur, ses rencontres, ses découvertes, les vibrations qui l’ont animé, l’intime de ses peurs et de ses espoirs, ses vertiges. Si l’élan de donner n’est pas là, c’est très difficile, je trouve, de faire naître l’ether de ce qu’est un livre. Pas seulement des mots, pas seulement des jolies phrases, pas le solide d’un ensemble de pages reliées entre elles, mais avant tout une émotion qui permet de lier votre solitude à celle d’une autre personne, cette passerelle invisible qui permet aux sensibilités de deux personnes qui ne se connaissent pas de se rejoindre et de s’ancrer l’une à l’autre, par le rire, par les larmes, par la colère ou quoi que ce soit qui habite votre œuvre. 

Et quand l’envie de donner n’est pas là ?

Parfois, pour plein de raisons, on a besoin de se refermer, donc je prends du temps pour m’écouter et me dire que c’est OK, des fois, de garder pour soi une émotion qu’on a besoin de comprendre. Puis je voyage, je me remplis de films, de lectures, je repars à la rencontre de l’autre doucement, à mon rythme. C’est surtout ça qui est important : faire à son rythme. 

« Toi je te zut », « Pas de pitié pour les nazebroques »… Comment est-ce que tu travailles le lexique et le langage d’Adèle ?

Ca naît des discussions avec mes neveux et nièces, ma mère, mes frères et sœurs, souvent. Le rire est quelque chose qui nous a toujours beaucoup lié et donc on a l’habitude d’utiliser ce medium là pour communiquer. Quand j’étais petit, notre quotidien était compliqué, et nous avions un langage bien à nous à la maison pour dédramatiser ce que nous vivions. Le rire était notre langue pour contourner l’expressions de nos peines, sans doute. On avait beaucoup de punchlines et d’interactions qui n’appartenaient qu’à nous. Ce que je trouve super aujourd’hui c’est de constater à quel point l’univers de Mortelle Adèle est fondamentalement lié à mon enfance, à ce qui a fait de moi la personne que je suis à présent. Tout ce qui la constitue est la somme de ce qui me constitue. C’est très difficile pour moi de me détacher d’elle, jusque dans la façon dont elle s’exprime. Ce sont mon langage, mes références et ma nourriture mentale qui l’alimentent. Si je crie, elle crie. Si je souris, elle sourit. C’est dur à expliquer, mais elle est née d’un moment de ma vie, à 14 ans, où j’allais disparaître. Elle est réellement l’expression la plus absolue de mon désir de vivre et de trancher en deux le monde qui se refermait face à moi. 

On rappelle effectivement souvent que tu as été victime de harcèlement scolaire pendant ton adolescence. Quel est ton regard sur la prise en charge et la prévention de ce sujet de société aujourd’hui ? 

J’ai connu ces difficultés dans les années 90, et aujourd’hui quand je vais dans des établissements scolaires, plus de 30 ans après, je vois les mêmes difficultés. Donc force est de constater que malgré une prise de conscience du sujet  – non, ce ne sont pas des histoires d’enfants – et un travail de prévention formidable de la part des associations, il reste encore à trouver d’autres leviers pour agir. La cour de récréation, c’est le microscope de nos sociétés et de l’humain, et la violence qui y règne, n’est qu’une autre forme de celle qui se répand déjà partout, à la maison, dans la rue. Quand on parle de violence, on est déjà trop tard, on est déjà après la mauvaise métamorphose de quelque chose. Moi je reste convaincu qu’il y a énormément à faire avant ça, sur l’estime de soi, la confiance en soi, la nécessité de donner aux enfants des clés pour apprivoiser leurs peurs et le manque d’espoir autrement que par la colère et les coups. Je suis toujours surpris quand j’interviens dans des classes de voir le nombre d’enfants qui se dévalorisent en permanence : je suis nul, je n’arrive à rien, je ne sais pas écrire, je ne sais pas dessiner, etc… On n’apprend pas assez aux enfants à briller dans le noir, on ne leur montre pas assez l’étendue de ce qu’ils peuvent accomplir, on ne leur apprend pas suffisamment à célébrer leurs différences, à être fiers d’eux, à s’aimer et à s’accepter. Enfant, je pensais la violence qu’on m’a opposée au collège totalement légitime, parce que j’étais déjà moi-même le fruit d’un malaise. Si j’avais été convaincu, au fond de moi, de ne pas mériter ce qui m’arrivait, j’aurais peut-être réagi différemment aux évènements, en cherchant de l’aide ou en ne laissant pas tout cela m’atteindre si loin en profondeur. Je pense que c’est ça, la clé. Remplir les enfants d’une confiance en eux et d’un goût si fort pour le vivant, que cela renverrait tous les coups. 

La guéguerre entre le « club des bizarres » et les « Barbies Malibu » font écho au fait que pendant la scolarité d’à peu près tout le monde, dans la cour de récréation notamment, on est dans des clans, des groupes d’amis. En quoi c’est important voire déterminant dans une construction en tant qu’enfant ? 

Quand on est stigmatisé dans la cour de récréation, comme c’était mon cas, on cherche le soutien où on le peut. L’effet de groupe est quelque chose d’absolument terrible, dévastateur, parce que c’est un énorme doigt pointé sur vous qui vous dit que vous êtes le problème. Pourtant, vous ne l’êtes pas, mais le groupe a ce pouvoir de rendre vrai ce qu’il décide. Moi ça m’a donné envie de disparaître, très jeune, je n’arrivais plus à exister face à cette voix qui m’annulait sans cesse. Mais c’est dans cette même cour de récréation que j’ai trouvé peu à peu des amitiés singulières, entre « bizarres ». D’autres enfants, comme moi, en dehors de la norme, différents. On ne fait pas l’apprentissage de sa singularité que par opposition aux autres, sinon on deviendrait tous des marginaux perdus dans le grand tout, mais on le fait aussi en trouvant des gens qui nous ressemblent, qui nous autorisent à être, qui nous célèbrent pour ce qu’on est. On appelle ça « le clan », on appelle ça « la bande de potes ». Pour Adèle et les enfants qui suivent ses aventures, c’est le Club des Bizarres, c’est un refuge, un abri, où l’on peut simplement poser l’armure et être soi.

Mr Tan : <i>« Si je crie, Adèle crie. Si je souris, elle sourit »</i>  - Doolittle

« Caractérielle », « insolente » « cynique »… On lit toujours un peu les mêmes mots quand il s’agit de parler d’Adèle. Est-ce qu’il y a un terme récurrent que tu n’aimes pas ou que tu n’aimes plus pour la décrire ?

Je n’aime pas trop quand des gens, souvent des adultes, disent d’Adèle qu’elle est insupportable. Moi je la trouve courageuse. Il faut beaucoup de courage quand on est un enfant, pour remettre en question la parole de l’adulte, et c’est d’autant plus saillant qu’on voit encore aujourd’hui à quel point il est difficile pour les enfants de faire face aux injonctions destructrices auxquelles ils peuvent être confrontés de la part des grandes personnes. On critique aussi parfois sa désobéissance, comme si on oubliait que la désobéissance utile, celle mise au service des convictions, a permis des bouleversements essentiels dans nos sociétés, des changements nécessaires. Bien sûr, Adèle ne défend pas de grandes causes dans ses propos, elle reste dans l’humour, mais c’est un mécanisme qu’elle démontre aux enfants, un mouvement de la pensée qui rend possible le fait que nos sociétés évoluent quand ils s’en empareront plus tard. Je suis plutôt fier qu’Adèle soit un personnage qui encourage les enfants à s’affirmer, à oser dire non, à désobéir quand ça leur est nécessaire : elle leur montre qu’ils peuvent agir sur ce qui les entoure. 

Justement, on entend parfois des parents dire grosso modo « c’est super que mon enfant lise Mortelle Adèle mais qu’est-ce qu’elle est mal élevée ! »

Il ne faut pas se méprendre sur le rôle des livres. Un livre n’est pas là pour faire l’éducation d’un enfant et se substituer au rôle des parents. L’éducation sera toujours du côté des parents, et ce sont eux qui donnent à leur enfant des règles, des valeurs, de l’amour. Le livre est un objet absolument magique : on y trouve que ce qu’on a déjà en nous sans le savoir. Il ne fait rien voler en éclat, il ne nous transforme pas en tyran, en monstre. Il nous révèle à nous-mêmes. Je crois, pour en parler avec beaucoup de parents de nos lecteurs sur les réseaux sociaux, que c’est une série qui permet à beaucoup d’enfants d’exprimer des émotions qu’ils ressentent mais qu’ils ne se sentent pas légitimes d’exprimer en famille. La colère, l’énervement et toute cette gamme d’émotions qu’on les pousse sans cesse à réprimer, sont des énergies qui les composent, qui font leur complexité et la densité de ce qu’ils ressentent au quotidien. Et finalement, c’est difficile d’en parler autrement que dans l’explosion, quand c’est déjà trop tard. Je me réjouis toujours de voir que les livres jeunesse sont avant tout des passerelles entre un parent et son enfant, pour échanger, discuter, autoriser ce qu’on ressent en lui donnant une forme, en le projetant sur un personnage extérieur à soi pour le rendre acceptable. Et puis on oublie aussi une chose : Mortelle Adèle, c’est une série d’humour. Toutes les situations sont poussées à l’absurde et ça les enfants le comprennent, ils font le distingo entre ce qu’on a le droit de faire et ce qu’on n’a pas le droit de faire, et voir Adèle le faire à leur place à sans doute quelque chose d’assez libérateur. Qui n’a jamais eu envie d’envoyer voler un casse-pieds à travers le ciel avec une catapulte ? Et pourtant, on ne le fait pas. Même vous, j’en suis sûr… Les adultes oublient ça. 

Peppa Pig a fait sensation en intégrant un couple homoparental dans sa série, comme c’est déjà le cas depuis quelques temps dans l’univers d’Adèle avec son oncle et son mec. Comment essaies-tu d’intégrer de nouvelles problématiques sociétales et culturelles aux aventures d’Adèle ? 

Je pense que c’est important de donner à voir aux enfants le monde dans lequel ils vont grandir, de comprendre les enjeux qui seront les leurs demain. Le fait d’aborder des sujets importants pour ma génération ou celles d’avant, en les traitant comme s’ils étaient parfaitement normaux et intégrés dans le quotidien des générations de demain, c’est une façon de montrer que ces enjeux nous dépassent nous, adultes, et que ce monde ne nous appartient déjà plus, c’est à eux de s’en saisir. Toutes nos bagarres pour décider à quoi devrait ressembler le monde dans lequel on vit ne servent à rien, c’est les enfants qui le construisent, nous on fait juste l’entretien en attendant qu’ils s’en emparent, comme d’autres adultes avant nous. On leur doit de ne pas trop l’abimer, et de ne pas restreindre les possibles qui pourront les rendre heureux. 

Adèle n’est pas très sympa avec son chat, Ajax. Tu n’as pas peur qu’Hugo Clément te tombe dessus ? 

Ça je trouve que c’est vraiment une question d’adulte. Les enfants ne nous la posent jamais, ils comprennent qu’Ajax est un symbole avant tout : tous les gags qui le mettent en scène sont tellement absurdes que ce n’est même plus vraiment un chat, et d’ailleurs Adèle l’explique, d’après les analyses qu’elle a réalisée, il est composé à 99% de chat-mallow, une matière indestructible ! A travers lui, Adèle refuse tout le mignon que le monde des adultes veut lui imposer, cette panoplie quasi obligatoire qu’on met entre les mains d’à peu près tous les enfants est représentée ici par ce chaton aux grands yeux dont on l’affuble peu après sa naissance. Adèle n’en veut pas, le repousse constamment. C’est sa façon de faire entendre sa voix. Si on donnait à plus d’enfants la capacité de faire entendre leur voix, je pense qu’on serait très surpris de ce que ça nous apprendrait sur nous, les adultes. Vous savez, je crois que c’est une grosse partie du problème qu’on rencontre dans nos vies d’adulte : on a oublié que toutes les réponses à ce qui nous rend heureux sont déjà là, avant cette métamorphose qu’on appelle « grandir ». On oublie la joie immense qu’on a ressenti enfant face à nos évidences : aimer et être aimé était évident, accepter l’autre était évident, rire était évident, aller vers le joyeux était évident. On devient adultes, comme si c’était un renoncement, comme s’il fallait forcément laisser derrière soi quelque chose, marquer une rupture, se résigner un peu. Aujourd’hui je rencontre surtout beaucoup de parents de nos lecteurs qui me disent qu’ils auraient aimé savoir qu’ils avaient le choix, qu’ils pouvaient être différents, bizarres, ne pas se conformer. Grandir oui, mais chacun à sa façon. 

Parlons de Magnus une seconde : quel est ton conseil pour se faire un super ami imaginaire quand on est gosse ?

Etre soi ! Un ami imaginaire c’est quelqu’un avec qui on ne triche pas. Pas besoin de faire semblant, pas besoin de chercher à paraître autrement. Un ami imaginaire sait tout et voit tout, c’est ce qui est formidable : près de lui, on est toujours à l’abri, et tout ce qu’on est fait sens. Le summum du merveilleux, c’est quand on réussit à transposer cela dans la vraie vie : avoir auprès de soi des gens qui nous prennent tel qu’on est et nous permettent d’explorer nos possibles, c’est la façon la plus sûre de devenir la meilleure version possible de soi. 

Tu es très productif, sur Mortelle Adèle mais pas que puisqu’il suffit de jeter un œil sur ton site ou ton CV pour voir que tu travailles régulièrement sur de nombreux projets. Tu as prévu quoi pour tes prochaines vacances ? 

Retourner au Japon, un pays qui m’est très cher. Les autorités viennent à peine de rouvrir les frontières et c’est une formidable nouvelle, car c’est un endroit qui me touche et m’inspire beaucoup, notamment parce que je publie aussi des mangas. Mais mes vacances ne sont jamais vraiment des vacances. Je réfléchis, je note, je dessine, je documente… On me dit souvent que je dois être épuisé, c’est un peu vrai sans doute, mais je suis surtout un passionné. C’est une chance incroyable de pouvoir s’adresser aux gens avec ses créations, de leur donner à voir un pan de ce monde et d’eux-mêmes qu’ils ne prennent pas forcément le temps d’observer. Je suis conscient de ça, et ça me rend infiniment humble face à tout le privilège que c’est de pouvoir continuer à accomplir cela. 

Par Par Pierre Maturana