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Les <i>parents</i> qui refusent de faire croire au <i>Père Noël</i>, on en pense quoi ? - Doolittle
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Les parents qui refusent de faire croire au Père Noël, on en pense quoi ?

Si pour certains, faire croire au Père Noël est une évidence, d’autres voient cette magie de l’enfance d’un mauvais œil. Pour des raisons morales, des croyances religieuses ou des considérations matérielles, des parents refusent de jouer le jeu du Père Noël. À raison ou à tort ?

Une fois de plus, tout part d’une tendance TikTok : celle où de nombreux parents clament avec fierté qu’ils élèvent leurs enfants dans un foyer sans Père Noël. C’est le cas de Matt Krueger – américain, forcément – qui, dans une vidéo devenue virale, déclare qu’impliquer le Père Noël aux traditions de fin d’année relève du mensonge. “Nous ne mentons pas à nos enfants à propos du Père Noël”, lâche-t-il. Cela n’empêche pas au TikToker d’installer un sapin de Noël ou d’offrir des cadeaux le 25 au matin. Mais à la place, chez les Krueger, on fête…la naissance de Jésus, bien sûr ! L’argument systématique des parents souhaitant bannir le vieil homme – qui, certes, “vous voit en train de dormir…” : la dévastation, la trahison, ressentis lorsqu’ils étaient enfants, après avoir découvert la non-existence du Père Noël. Matt Krueger dit même avoir mis en doute “l’honnêteté” de ses parents, se demandant “si les autres choses qu’ils ont pu dire étaient vraies ou non”. Pour ce père anglo-saxon, la “grande question” serait la suivante : si le Père Noël n’est pas réel, pourquoi Dieu le serait ? Raisonnement imparable…

@rental.cashflow I know that it’s a pretty touchy subject – but if you were a parent that does Santa Claus, how do you justify to your children? #bansanta #santaclausedit #thereasonfortheseason #jesusisthereason ♬ original sound – Matt Krueger | Rental Cashflow

Si tous les ans c’est la même histoire, il y a longtemps, faire croire au Père Noël était une affaire plus que sérieuse. La preuve dans le magazine professionnel “L’École et la vie” qui relate en 1931, l’histoire d’un professeur de mathématiques ayant révélé de but en blanc à un enfant de sept ans que le Père Noël n’existait pas. Pauvre malheureux ! Le père de l’enfant a immédiatement traîné l’enseignant devant les tribunaux, et a eu gain de cause. Une autre époque, puisque récemment, une mère du Gard a – pour les même raisons – porté plainte contre une enseignante. Mais il semblerait qu’aujourd’hui, la justice accorde peu d’importance au vieux bonhomme rouge. 

Ne plus croire au Père Noël, une “expérience de la réalité” inévitable 

Dans Psychologies, le psychiatre et psychanalyste Dominique Tourrès-Gobert – également auteur de “Il était une fois le bon dieu, le père Noël et les fées” – ne s’en cache pas : oui, le Père Noël est un mensonge, mais un joli mensonge. Un mensonge relativement inoffensif, à l’opposé d’un lourd secret – vous en conviendrez – capable de détruire une famille. Le psychiatre voit le Père Noël comme l’une des nombreuses étapes de l’enfance. Ne plus croire au Père Noël, c’est “constater qu’on ne peut plus prendre ses désirs pour des réalités, que tous nos souhaits ne peuvent pas être exaucés”, explique-t-il. Cette désillusion, que Freud nommait “expérience de la réalité” fait partie intégrante de l’enfance. Et “si elle [expérience de la réalité, ndlr] ne passe pas par le rite du Père Noël, [elle] se fera autrement.”  Il poursuit : “Si enfant, on a vécu la croyance au Père Noël comme une trahison, il est tout à fait compréhensible de ne pas vouloir reproduire le schéma.” Pour autant, si certains bambins vivent la découverte de la non-existence du Père Noël comme une tromperie, nombreux sont celles et ceux qui l’acceptent, qui la voient comme un rite de passage et qui se félicitent même de faire désormais partie du monde des “grands”. 

“J’étais contrainte d’être dans le mensonge vis-à-vis de mes copains et copines de classe, que j’enviais”

Finalement, ne vaut-il pas mieux un petit mensonge qu’une vérité qui blesse ? Car pour certaines personnes, l’absence du Père Noël dans leur enfance aura été vécue comme une frustration. C’est le cas de Florence, dont les parents ont catégoriquement refusé de nourrir la légende. “Ce n’est qu’une hypothèse ne leur ayant jamais posé la question, mais comme je suis issue d’un père totalement agnostique et d’une mère faisant un rejet vomitif de tout ce qui est croyances de l’au-delà, ils avaient tous les deux le besoin d’une espèce de matérialité”, raconte-t-elle. Ironie dans tout ça : là où des parents refusent de “mentir” à leurs enfants, ces derniers sont à leur tour obligés de maintenir le secret auprès de leurs camarades. “Je me souviens particulièrement de l’école : j’étais contrainte d’être dans le mensonge vis-à-vis de mes copains et copines de classe, que j’enviais. Mes cousin·e·s pareil : ils croyaient tous au Père Noël. C’était donc une évidence que je devais la boucler.” Frustrée d’avoir été privée de cette féérie, il était inenvisageable pour Florence que ses propres enfants ne croient pas au fameux vieillard joufflu. “Je reste convaincue que dans l’esprit d’un enfant, cet imaginaire n’est pas néfaste. Un enfant a besoin de se créer des mondes imaginaires, que ce soit le Père Noël, la petite souris ou les cloches de Pâques. Ça fait travailler sa créativité, car il va penser à tout ce qui entoure le mythe.” C’est donc à travers les yeux éblouis et émerveillés de ses enfants, le matin du 25 décembre, que Florence se rattrape. “J’ai parfois la sensation que ça a développé chez moi un besoin de féérie, lance-t-elle pensive. Encore aujourd’hui, je suis quelqu’un qui s’émerveille d’un rien, comme une enfant. N’ayant pas eu droit à cela étant petite, j’en ai eu encore plus besoin en tant qu’adulte.”

Une chose est sûre : pour un enfant, ne plus croire au Père Noël est un événement marquant – d’où l’importance de l’accompagner dans ce cheminement vers la vérité. N’importe quel enfant sur cette planète se souvient de comment il a découvert le pot aux roses : ce moment où le grand-frère – ou le balèze de l’école – dans toute sa finesse, balance que “tout ça, c’est du pipeau”. Posez la question autour de vous et vous verrez : un pote avouera avoir pleuré, un collègue prétendra s’en foutre royalement, tandis qu’une voisine mordue de Noël refuse encore aujourd’hui de voir la vérité en face. Au bout du compte : chacun fait bien comme il veut, non ?

Par Ana Boyrie