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Les <i>enfants</i> seront-ils de meilleurs <i>anti-sexistes</i> que nous ? - Doolittle
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Les enfants seront-ils de meilleurs anti-sexistes que nous ?

A l’ère MeToo, la génération actuelle d’enfants et d’adolescents sera-t-elle plus sensible à la lutte contre le sexisme et à la cause féministe ? 

« Emile s’est battu, il est blessé à l’œil. » Voilà les mots de la directrice, annoncés par téléphone en plein milieu de l’après-midi aux parents de cet élève de CE2 sans histoire. « Sur le coup, je n’ai rien compris. Mon fils n’est ni violent, ni conflictuel », se souvient Jérémy. Sauf que ce jour-là, le petit était bel et bien sorti de ses gonds ! Et pour une raison valable, en plus. Maya, la petite fille de sa classe qui essayait depuis des mois de participer aux matchs de foot improvisés dans la cour de récré par les garçons, était systématiquement rejetée avec force et mépris, essuyant des « Dégage ! T’es une fille, donc t’es nulle ». Plus remontée que d’habitude, elle avait traité le chef de la bande de « macho de merde » – insulte qu’on devait quand même rarement entendre il y a quelques années dans la bouche de jeunes enfants –. Et cela n’avait pas plu à l’intéressé qui s’était dirigé vers elle, bien décidé à en découdre physiquement. C’est à ce moment-là qu’Emile, footballeur star de l’école élevé par des parents militants pour l’égalité des sexes, s’était interposé. 

Résultats de l’incartade : un cocard, quelques genoux ensanglantés et 8 parents appelés en urgence pour débriefer de la situation. De nombreux témoignages similaires affluent désormais. Un autre exemple ? Paul, jeune élève de primaire mais qui a pourtant littéralement scotché sa mère, Marie-Amélie, en commentant un dessin de Napoléon qu’il était en train de réaliser : « Il a un costume super classe mais je ne l’aime pas parce qu’il ne respectait pas les femmes », lui a-t-il affirmé sans préambule. Comme Emile et Paul, de plus en plus de bambins se montreraient écœurés par les comportements sexistes et les stéréotypes de genres. Ils n’en pourraient plus qu’on s’étonne que leur mère roule en moto ou que leur frère porte du rose, qu’on incite les filles à faire de la danse classique plutôt que du hip-hop et qu’on se moque des garçons qui auraient envie d’enfiler des perles en strass au lieu de jouer aux superhéros. 

Les <i>enfants</i> seront-ils de meilleurs <i>anti-sexistes</i> que nous ? - Doolittle

Le rôle de TikTok

Ces petites anecdotes désopilantes qu’on ressort volontiers à l’apéro sont-elles les signes d’un changement profond des mentalités et d’une prise de conscience dès la cour de récré? Louise Delavier est membre de l’association En Avant Toute(s) ! (pour l’égalité des genres et la fin des violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+), elle intervient régulièrement en milieu scolaire. « Les tout petits cherchent à comprendre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, explique-t-elle. Je me souviens, par exemple, avoir été très choquée en primaire en apprenant la règle linguistique du masculin qui l’emporte sur le féminin. J’avais trouvé ça très injuste !» Elle note que les discours des enfants sont encore hétérogènes en matière d’égalité des sexes, mais que les choses bougent, notamment depuis #Metoo. 

Force est de constater que si, comme dans l’école d’Emile, les filles sont encore majoritairement exclues des terrains de foot, ces états de fait absurdes sont de moins en moins tolérés par les enfants. La plateforme TikTok jouerait également un rôle non négligeable dans les progrès à l’œuvre depuis quelques années. « Aujourd’hui, dès 11 ans, les jeunes vont sur TikTok, assure Louise Delavier. Et si c’est vrai qu’on y trouve des discours hyper réactionnaires et flippants, il y a aussi des paroles extrêmement égalitaires, ainsi qu’une forte communauté LGBT. On tombe facilement sur des tutos make-up réalisés par des garçons, par exemple. » Si les réseaux sociaux ne sont évidemment pas une piste envisageable pour les plus jeunes, on peut peut-être, en revanche, briefer les lutins en vue d’une hotte de Noël un peu moins genrée cette année. 

Par Hélène Brunet-Rivaillon