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En aparté : « <i>J’ai regardé One Day et une chose m’a dérangée</i> » - Doolittle
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En aparté : « J’ai regardé One Day et une chose m’a dérangée »

La rédaction se lance dans une nouvelle rubrique : « En aparté » Le principe est simple : tour à tour, nos journalistes partageront un avis personnel sur un sujet qui les a marqués et sur un instant précis qui a résonné en eux. Pour inaugurer cette rubrique, c’est Lucie Lecointe qui prend la plume. Elle nous livre ses impressions sur la série qui cartonne en ce moment sur Netflix, One Day.

Avez-vous vu la mini-série (bénie soit ce concept) One Day sur Netflix (si vous êtes ici, oui) ? On y plonge dans l’odyssée amoureuse et amicale d’Emma Morley et Dexter Mayhew sur une décennie. La particularité réside dans le choix scénaristique : chaque épisode se focalise sur une journée bien précise, toujours la même, le 15 juillet. Un fil rouge énigmatique qui se dénoue magistralement à l’avant-dernier épisode. Une très chouette série qui s’inspire du roman éponyme de David Nicholls, déjà adapté au cinéma en 2011 avec Anne Hathaway et Jim Sturgess.

Dès le premier épisode, le charme opère : la bande originale, les personnages attachants, les balades dans Edimbourg et Londres, et l’atmosphère des années 90 et 2000 m’ont transportée. Cependant, un point m’a chiffonné au fil des épisodes, particulièrement après l’arrivée du premier bébé dans l’entourage des deux protagonistes, celui de la BFF d’Emma, Tilly, son ancienne colocataire de fac. En effet, la « Tilly » joviale, bienveillante et décomplexée est la première à se « retrouver » dans un rôle de mère et dans un schéma familial classique avec Graham. C’est à partir de ce moment précis, que je me suis rendu compte que toute la série allait nous offrir une représentation assez négative de la famille, teintée de tristesse et de désillusion (et de beaucoup – beaucoup – de sacrifice de soi). On avait déjà pris la température au début de la série, avec les parents de Dexter, sa mère certes dévouée, mais alcoolique, positionnée en éternelle séductrice, son père en totale opposition et l’absence de ceux d’Emma (pourtant en demande). N’y-a-t-il donc, aucun espoir ? Non, pas trop. L’ombre des relations familiales dysfonctionnelles plane en permanence sur le duo.

Episode 9 : En parlant de familles dysfonctionnelles, arrêtons nous quelques instants sur la relation entre Dexter et la famille de Sylvie. La scène du dîner, véritable humiliation pour Dexter, en est la parfaite illustration. Forcé de participer à un jeu ridicule, « Etes-vous là, Moriarty ?« , Dexter se retrouve dans une situation grotesque (et franchement difficile à regarder, niveau cringe au top). Sa maladresse le conduit à blesser Sylvie, et sa conclusion – « il a adoré la journée » – sonne faux. On ne peut s’empêcher de ressentir de la pitié pour lui face à tant de naïveté. Sa tentative de se montrer à la hauteur se solde par un échec cuisant, et son optimisme de façade ne masque que difficilement sa profonde déception.

Retour à l’épisode 11 – Tilly et Graham, épuisés, en pyjama, sont débordés par leur bébé. Un « dîner » est organisé où Emma est conviée, mais pas la nourriture, les stéréotypes ont la vie dure. – Emma, as-tu oublié que, dans ce genre de situation, c’est à toi de ramener la nourriture ? ndlr – C’est alors que Dexter, devenu le papa de « Jazz », l’appelle pour l’inviter. Lui aussi est en mode solo pour la soirée, il garde sa fille de quelques mois. Sa femme Sylvie, jadis souriante et avenante (certes un peu flippante), est devenue acariâtre et blasée depuis l’arrivée de leur bébé (entre autres). La suite, vous la connaissez…

Dans cette fameuse scène Emma répond à Dexter – devant ses amis : « Les bébés, ça suffit. J’ai besoin d’une conversation d’adultes et d’un dîner« . Certes, il s’agit d’une adaptation se déroulant à la fin des années 90, mais la réduction des personnages parents à de simples géniteurs reste déroutante. On peut leur dire n’importe quoi sans espérer de réaction. Tilly et Graham, bien que soudés et sympathiques, ne servent le récit qu’en tant que « parents ». Leurs carrières et objectifs de vie, éléments pourtant essentiels à la construction d’une personnalité, semblent inexistants.

Tout ça pour dire qu’en regardant One Day, j’ai eu la désagréable sensation d’assister aux échecs systématiques des couples et familles. Je ne sais pas vous, mais voir une représentation plus nuancée de la vie de famille aurait été la bienvenue dans tout ce foutoir émotionnel.

Un petit goût amer de me dire que la « commu » Netflix va mater ça et kiffer Dexter (aux milliers de redflags pourtant, mais IL EST BEAU) et se dire que faire famille, no thanks, ça ne donne pas « envie ».

One Day n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la représentation des couples et des familles, mais ça m’interroge toujours. Et vous, vous en avez pensé quoi ?

Par Lucie Lecointe