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En aparté : Accepter mes cheveux blancs à 35 ans
Cela fait maintenant 2 ans que je ne me teins plus les cheveux. Je vous raconte comment j’en suis venue à cette libération et comment j’ai apprivoisé ma chevelure telle qu’elle est.
#Silversisters ? Une découverte Instagram qui a tout changé
Début 2023, mon fil Instagram s’est mis à me présenter une série de profils que je n’avais jamais vus jusqu’ici. Des femmes belles, cool toutes connectées par un hashtag : #silversisters, la plupart trentenaires ou quadragenaires, et dont la ligne éditoriale était claire : prôner le « dye free », la libération de la teinture capillaire. Des dizaines et des dizaines de photos de leurs magnifiques chevelures argentées ont défilé sous mes yeux. J’ai lu leurs conseils d’entretien, mais aussi, et c’était la partie la plus amusante, les anecdotes sur les remarques désobligeantes auxquelles elles devaient faire face sur les réseaux, mais aussi dans leur quotidien. Franchement, j’ai tout de suite été fascinée. Parmi elles, j’ai aimé tout particulièrement suivre Kathleen Megna, aka k_growing_gray précurseure et queen du mouvement au discours efficace et bien rôdé plein de self love et de cheveux ondulés (au passage vendeuse #1 mondial de la marque Monat), mais aussi Whitney Lichty @sliversstrandsofglitter dans un ton beaucoup plus lifestyle et humoristique dont l‘interview m’a profondément marquée, elle y disait « It is both an external and internal transformation. » c’est-à-dire “C’est une transformation qui touche l’intérieur comme l’extérieur”. Une phrase avec laquelle je suis en total accord.
Elle avait mis le doigt sur une chose très importante. Ma décision n’allait pas être qu’esthétique, elle serait aussi politique. La transformation externe serait la partie émergée de l’iceberg : la démarcation entre la couleur artificielle et la repousse, un processus tangible, que j’allais pouvoir observer jour après jour (et bien détester pendant de longues semaines, mois)… Mais la transformation interne allait l’être tout autant. Elle touchait à mon rapport au corps, à l’acceptation du temps qui passe, aux normes de beauté imposées que je n’avais jusqu’ici jamais remises en question. Pendant des années, la teinture avait été une façon – inconsciente – de masquer un signe de vieillissement perçu comme négatif, une manière de me conformer à une image idéalisée. En arrêtant, je me confrontais à cette image, je la remettais en question.

@sstrange

@k_growing_gray

@silverstrandsofglitter

@mindy.gale
Dix ans de « couleur »
Pour remettre les choses dans leur contexte, mes premiers cheveux blancs sont apparus assez tôt, vers 20 ans. Et j’ai commencé à me teindre les cheveux autour de 25 ans. C’est à cet âge-là que j’ai vraiment pris conscience de cette racine blanche, grise, qui poussait inexorablement, notamment au niveau des tempes. De mes 25 à 34 ans, consciencieusement, tous les mois, je me suis rendue chez le coiffeur pour camoufler cette racine, des cheveux gris et blancs que je détestais tant. Évidemment, dans notre société, arborer des cheveux blancs n’est pas vraiment accepté, surtout dans la trentaine. Qui plus est on manque cruellement de modèles inspirants qui nous aident à l’accepter.
Certes, Sophie Fontanel et son livre « Une apparition » en 2017 ont été un souffle nouveau, rendant aux cheveux blancs leur beauté et décomplexant beaucoup de femmes. Mais à plus de 50 ans au moment de cette décision, son expérience était bien éloignée de mes 35 ans. C’est sur Instagram que j’ai trouvé mes vrais modèles, des créatrices comme Sarah Strange (@sstrange) qui, elles, avaient embrassé leur chevelure argentée même avant la trentaine !
A force de découvrir ces profils de « Silver Sisters », un cheminement s’est opéré assez rapidement en moi. Au bout de quelques semaines à peine, en février 2023, j’ai pris la décision d’arrêter de me teindre les cheveux. Je voulais voir ce qui se cachait en dessous, et surtout, savoir si ça allait me plaire. D’autres profils m’ont alors aidé, comme celui de l’ influenceuse @mindy.gale qui porte ses cheveux naturellement gris depuis des années, et qui du jour au lendemain, s’est re-teint les cheveux pour partager à sa communauté le processus depuis le début, un profil très inspirant pour toutes celles qui aimeraient voir les étapes documentés. Même cas de figure chez @grey.roots qui a seulement 28 ans, “transitionne” pour la seconde fois. Pour d’autres inspirations, il suffit de suivre le hashtag #youngandgrey.
Pour se faire, et comme si à ce moment-là j’avais eu besoin d’une validation, je suis allée prendre rdv chez ma coiffeuse habituelle pour lui raconter ce que j’allais faire : grimaces, yeux exorbités et bouches tordues ont accueilli cette nouvelle. J’en ris maintenant, mais 2 ans en arrière je me demandais bien à quelle sauce j’allais être mangée qui méritait tant de simagrées.
Franchir les étapes
Au fil des semaines, j’ai vu mes tempes blanchir de plus en plus, mes racines devenir grises et j’ai annoncé à toute ma famille, mes amis ce que j’entreprenais. A l’époque, ma hantise était que l’on pense que cette démarcation était un signe de négligence alors qu’elle était le reflet fier d’une décision prise en pleine conscience. L’accueil a été pour le moins contrasté, surtout au sein de ma propre famille. Mon père, représentant d’une génération pour qui le cheveu blanc est rarement un choix esthétique valorisant, a eu du mal à comprendre ma démarche. Avec une candeur désarmante, mon fils de trois ans à l’époque a exprimé un avis tout aussi tranché, basé sur une esthétique enfantine bien éloigné de mes considérations : mes cheveux gris ne correspondaientt visiblement pas à sa définition du « joli », et ses régulières demandes de « remettre de la couleur » étaient aussi amusantes que révélatrices. À ce sujet, j’ai parfois été surprise de constater à quel point les enfants sont conditionnés très jeunes par les images de la femme. En voyant mes cheveux, certains enfants à l’école de mes fils m’ont innocemment demandé si j’étais leur mamie. Ça pique un peu sur le coup, c’est vrai ! Mais je leur pardonne, je sais bien que dans leur esprit, « gris » rime tout simplement avec « mamie ».
Et le temps a passé, j’ai franchi les étapes “anniversaire” me prenant régulièrement en photos : 6 mois, un an (le plus compliqué dans le processus car on a vraiment l’effet marqué sur la partie supérieure du crâne). 18 mois, 2 ans…, et aujourd’hui, je fête mes deux ans et demi de cheveux gris.
Je n’ai pas les cheveux aussi blancs que je le pensais. Mes tempes le sont, et j’imaginais que le reste de ma chevelure le serait aussi. Mais au final, je suis plutôt « poivre et sel ». Ce n’est pas un terme très flatteur, en tout cas pour une femme, – c’est ainsi qu’on nomme par exemple, les chevelures de Richard Gere ou de George Clooney, de qui on a toujours loué les reflets argentés. Encore une injustice parfaitement analysée par l’essayiste Mona Chollet, dans son essai Sorcières, la puissance des femmes invaincues : « Les hommes ne vieillissent pas mieux que les femmes, ils ont seulement l’autorisation de vieillir. »

3 mois

6 mois

9 mois

1 an

18 mois

2 ans

2 ans

2 ans et 3 mois
La surprise capillaire
Il y a vraiment quelque chose que je ne voulais absolument pas sacrifier : ma longueur. J’ai toujours aimé porter mes cheveux longs, c’est comme ça que je me sens le mieux. Hors de question de couper drastiquement. La dernière fois que je l’avais fait, c’était lors de ma seconde grossesse, j’avais des migraines terribles et le poids de mes cheveux me pesait énormément. Je m’étais retrouvée avec un carré incoiffable pendant des mois, et je m’étais jurée que ça n’arriverait plus. J’ai donc coupé mes longueurs petit à petit, au fur et à mesure du temps, à chaque étape de repousse. Le dernier gros palier, c’était l’été dernier, il y a bientôt un an. J’ai coupé la plus grande partie des cheveux colorés qui restaient. Aujourd’hui, il me reste une petite dizaine de centimètres plutôt châtains décolorés, et le reste est gris (avec son panel de nuances)
Ce qui est super aussi avec le retour au naturel, c’est la texture. On a souvent peur de perdre en qualité de cheveux quand on arrête la couleur, car on perd de la mélanine – c’est elle qui détermine l’intensité et la nuance de la couleur des cheveux* . De mon côté, j’ai constaté très vite une différence entre mes cheveux colorés et mes cheveux naturels. Mes cheveux naturels sont bien plus lisses, bien plus doux, et surtout, ils se démêlent après le shampoing en un clin d’œil. Avant, j’avais une montagne de nœuds, je passais de longues minutes avec des tonnes de produits pour les démêler. Maintenant, je passe ma brosse sans effort et ça suffit. Une petite révolution ! J’ai retrouvé aussi ce côté facile d’entretien. Avant, rien ne tenait, ni le lissage, ni les boucles. Aujourd’hui, mes cheveux naturels sont beaucoup plus « coiffables », j’arrive à leur donner la forme que je veux.
Décider de franchir ce cap, surtout à mon âge, pousse naturellement à témoigner. C’est un sujet à multiples facettes : d’abord esthétique, car c’est la première chose que l’on voit, mais aussi profondément sociétal. Cela nous invite à explorer notre féminité, à questionner nos choix et à défier le regard des autres. En révélant mes cheveux naturels, j’ai découvert une confiance que je ne soupçonnais pas. Ce virage m’a ancrée, m’a permis d’affirmer mes envies et mes goûts, et de porter avec fierté un choix que beaucoup de femmes hésitent encore à faire.
Enfin, je ne dis pas que plus jamais je n’aurais envie de me teindre les cheveux, impossible de me projeter dans mon état d’esprit dans 10, 15 ans ou plus. Ça peut arriver sur un coup de tête. Mais à ce jour, ce n’est pas prévu. Et je suis fière de contribuer, à ma petite échelle, à cette vague de liberté capillaire.
Références
@sstrange
@k_growing_gray
@sliversstrandsofglitter
@mindy.gale
#youngandgrey
Sorcières, la puissance invaincue des femmes, Mona Chollet
Une apparition, Sophie Fontanel
*https://www.centre-clauderer.com/articles/melanine-cheveux/