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Changement de <i>nom de famille</i> : au nom de la <i>mère</i> - Doolittle
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Changement de nom de famille : au nom de la mère

Depuis la simplification de la loi Vignal, en juillet 2022, près de 150 000 personnes ont changé leur nom de famille. C’est ce que révèle une étude publiée en avril dernier par l’Insee. Pour beaucoup, ce changement est en faveur de la mère.

En février 2022 – quelques mois précédant la simplification de la loi Vignal – un sondage Ifop révélait que 22% des Français étaient intéressés par un changement de nom de famille. De quoi déstabiliser un totem patriarcal, puisque selon l’Insee, sur les 753 383 bébés nés en 2019, 81,4% portent le nom du père, 6,6% celui de la mère et 11,7% un double nom. Cela fait pourtant plus de vingt ans que les parents ont le choix, après le vote de la loi du 4 mars 2002. Et même en cas de désaccord – jusqu’en 2013 – l’administration tranchait en faveur du père. « Dans la mesure où une large majorité des personnes nées en France portent le nom de leur père, il est raisonnable de penser que la substitution porte le plus souvent sur le remplacement du nom du père par celui de la mère », précise l’étude de l’Insee. 

“Si on ne raconte pas l’histoire de nos mères, qu’on ne les nomme pas, elles disparaissent” 

Sans surprise, ce n’est pas au goût de tout le monde. Le plus souvent, les arguments réfractaires sont les suivants : le renversement d’un schéma plaçant le père en absolu, voire une arme de chantage si ce dernier avait la mauvaise idée de contrarier ses enfants. C’est absurde, mais c’est ce que craint l’oncle de Sirine Sehil : « Il m’a dit : “Si demain je me prends la tête avec mes enfants, je n’ai pas envie qu’ils changent de nom” », raconte-t-elle à Libération. Beaucoup refusent ce statut de chef de famille, le considérant comme une injustice, surtout lorsque le “chef” est aux abonnés absents. Depuis la séparation de ses parents, Katalyne Renneville – infirmière de 43 ans – n’a plus aucun contact avec son père. « Prendre le nom de sa mère était donc une évidence », écrit Libération. Mais difficile pour la Réunionnaise d’ignorer les regards en coin que lui donne son entourage : « Je sens que c’est un peu violent pour eux », reconnaît-elle au quotidien. Pourquoi donc la matrilinéarité – système de filiation reposant sur l’ascendance maternelle – pose problème ? « Les femmes se présentent souvent avec leur prénom car elles n’ont pas de mémoire matronymique. Elles sont passées systématiquement du nom du père au nom du mari. Avec cette loi, on recrée une image nouvelle dans la société », développe dans l’article Ophélie Latil. Pour la fondatrice de Georgette Sand, la patrilinéarité est « une hiérarchie des valeurs et une façon de confisquer le pouvoir ». Elle conclut : « Si on ne raconte pas l’histoire de nos mères, qu’on ne les nomme pas, elles disparaissent. »

Par Ana Boyrie