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Rencontre avec <i>Anna Roy</i> à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, <i>Le post-partum dure trois ans</i> - Doolittle
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Rencontre avec Anna Roy à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Le post-partum dure trois ans

Véritable poing sur la table, ce nouvel ouvrage bouillonne d’idées pour accompagner au mieux les parents dans cette épopée. La sage-femme, autrice, créatrice du podcast Sage-meuf et chroniqueuse à La Maison des Maternelles, Anna Roy livre les clefs pour mieux vivre cette période tant au niveau psychique que physique et surtout, déculpabiliser toutes les mères. Qu’elles se rassurent, le post-partum ne dure pas 3 mois, mais 3 ans ! Discussion avec une passionnée qui se bat pour ses idées et pour toutes les mères.

Après La vie rêvée du post-partum, vous paraissez un nouvel ouvrage sur le sujet, Le post-partum dure 3 ans, que s’est-il passé entre ces deux périodes pour vous donner envie d’en reparler ?

Le premier ouvrage que j’ai écrit avec Caroline Michel était plutôt consacré à la période des suites de couches. Il a été pensé comme une sorte de guide « pratique », de compagnon de route pour accompagner les femmes dans tous les sujets qui concernaient ce moment : épisiotomie, hémorroïdes, périnée, contraception… Ce deuxième ouvrage prend de la hauteur, j’ai enfin osé dire ce que je pense réellement sur cette période-là. A l’époque du premier, je pensais déjà que le post-partum durait 3 ans, mais j’avais peur des réactions. Aujourd’hui, je veux le dire haut et fort, même si je suis la première et que personne ne l’a fait auparavant.

Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que le post-partum ne durait pas quelques mois, mais bien 3 années entières ?

Dans un premier temps, cela vient de toutes mes années d’expertise clinique. Je trouve les femmes beaucoup plus fatiguées à la première année ou aux 18 mois de l’enfant, beaucoup plus lassées aussi, moins bien psychologiquement. On pourrait penser que la période la plus compliquée est celle qui suit directement l’accouchement, les deux premiers mois, mais non. Puis, j’ai constaté qu’elles allaient beaucoup mieux une fois que l’enfant avait 3 ans. J’ai réfléchi en ce sens. En effet, physiquement, psychologiquement, on retrouve un équilibre au bout de ces 3 années, le bébé devient un enfant, il va à l’école, il parle, est propre. Dans leurs vies professionnelles, aussi il y a souvent eu des remaniements, on a fait des choix. Le côté « tsunami » de l’arrivée du bébé est passé. Evidemment, ces 3 années sont un peu arbitraires, cette durée peut varier de 2 ans et demi à 4 ans selon les expériences de chacune.

Dans le livre, vous racontez un moment très spécifique, celui où votre post-partum vous a quitté, comment avez-vous su que c’était ce poids précisément qui s’envolait ?

Depuis la grossesse de mon premier enfant, j’ai ressenti une vraie fatigue chronique, alors que je suis une personne extrêmement énergique, j’avais mis cette fatigue sur le compte du fait que je vieillissais, car j’avais tout simplement passé 30 ans. Mais non ! La bonne nouvelle, c’est que l’énergie revient et avec, la vitalité, le désir, l’envie de faire les choses que l’on aimait avant l’arrivée de l’enfant. A ce moment précis, j’ai eu de nouveau envie de tout ça alors qu’avant, j’étais préoccupée par mon bébé. Le moment que je décris dans le livre est celui de retrouver mon bien-être corporel, mais aussi de disponibilité psychique. Mes enfants étaient tous les deux à l’école, et j’avais du temps pour moi, comme si la vie s’ouvrait de nouveau. Et même si j’ai adoré m’occuper d’eux, ce sont des moments de fatigue, de vie bouleversée. C’est très positif et motivant de savoir ça !

Rencontre avec <i>Anna Roy</i> à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, <i>Le post-partum dure trois ans</i> - Doolittle

Le post-partum dure 3 ans, Anna Roy

Une bonne partie du succès du post-partum réside dans l’accompagnement de la femme enceinte, quels conseils donnez-vous pour anticiper au mieux cette période ? 

Absolument, il faut bien choisir sa maternité, sa sage-femme, un bon médecin ou pédiatre, sa PMI, pour la suite. Avoir des spécialistes qu’on a envie d’aller voir, ça change tout. Dans ce sens, il ne faut pas hésiter à insister, à changer, à réessayer jusqu’à ce qu’on se sente réellement accompagnée. Accoucher demande un vrai travail de préparation, il faut se sentir en confiance et entourée, la sage-femme intervient à un moment où on est très vulnérable, il faut de l’humain dans tout ça. Pour l’après, je conseille aussi de regarder si vous avez des cafés poussettes ou des cafés parents qui existent à côté de chez vous, avoir de l’entourage aussi qui peut se rendre disponible. Un des conseils que je donne toujours aux futures mamans pour vivre leur post-partum plus sereinement, c’est de voir au moins un adulte par jour pour ne pas se retrouver, une journée, seule avec son bébé. D’autant plus, pour les femmes qui accouchent en hiver ! La nuit qui tombe, le froid qui les empêche de sortir, il faut au moins une visite dans la journée. Et enfin, je recommande de lire énormément, de se renseigner sur le sujet à fond.

Vous donnez tous ces précieux conseils pour que les futures mamans préparent leur post-partum, que répondre à celles qui sont en plein dedans et qui n’ont pas eu ses clefs en main pour le préparer ?

Je leur conseille quand même lire, de savoir qu’elles ne sont pas seules, que l’on vit toutes la même chose, c’est déjà rassurant. Et puis, cette lecture peut aussi être le déclencheur d’une prise de conscience. J’ai une patiente qui a expérimenté un accouchement compliqué et qui après l’avoir lu, a décidé de demander une réunion au personnel qui l’a accouché il y a deux ans et demi pour comprendre exactement ce qu’il s’était passé, ça a lui fait un bien fou. Il n’est jamais trop tard pour demander des infos.

Pour vous, l’accouchement est intiment lié au post-partum, pourquoi ce moment spécifique a-t-il selon vous autant de répercussions sur le futur état des mamans ? 

C’est la scène inaugurale. L’accouchement est un moment unique, où on se dédouble et où on fait la rencontre de l’amour de sa vie. Une femme qui a eu un accouchement difficile, mal vécu et peu importantes les circonstances, entraînera des répercussions sur la suite, dans le bon comme dans le mauvais d’ailleurs. S’il a été mal vécu, il faut absolument retravailler dessus, car ça peut aussi altérer la relation avec le bébé.

Quelles sont, selon vous, les conséquences d’un post-partum mal préparé ?

J’aime bien utiliser cette métaphore : c’est comme si on préparait une sortie en mer et qu’on se disait : « il n’y aura que du beau temps ». A la première bourrasque, vous n’avez rien préparé et c’est le naufrage. Alors que si vous vous préparez et que vous avez un ciré, un GPS, un bateau qui tient le choc, et bien le premier coup de vent, vous le passez beaucoup mieux. Cela ne l’évitera pas, mais comme vous savez, ça n’aura rien à voir. Pour en revenir au post-partum donc, d’anticiper, d’avoir des réflexes comme un suivi psychologique quand on sent qu’on en a besoin, c’est exactement ce qu’il faut : se donner les moyens de faire. On a les bons réflexes quand on les apprend. C’est un changement de vie tellement majeur qu’on ne peut pas faire la politique de l’autruche.

A la fin de votre ouvrage, vous donner aussi des solutions à plus grande échelle – nationales, gouvernementales, pour aider les futures mères, les futurs parents. Quelles seraient celles que vous mettriez en place les premières ?

Pour commencer, ce serait la mise en place d’ « une femme = une sage-femme« , il faut améliorer les conditions d’accouchement, car comme je vous l’ai expliqué un accouchement qui se passe mal, c’est un post-partum qui se passe mal aussi. Et ensuite, je mettrais en place le congé maternité d’au moins 6 mois et la possibilité de pouvoir dispatcher ses 6 mois aux gens qu’on souhaite : un grand-parent, le co-parent. Pour moi, la mère doit rester décisionnaire, c’est elle qui accouche, elle qui est en post-partum et personne d’autre.

Et si on ne devenait retenir qu’un conseil de vous ?

Je voudrais quand même dire que cette aventure est extraordinaire, c’est éreintant, mais génial et pour la vivre comme elle se doit, il faut s’informer et être aidé – de professionnels de la santé, de ses amis, de sa famille – et ne pas en avoir honte.