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Mais, où vont les données de nos enfants ?
Notes, maladies, profession des parents, vœux d’orientation… Depuis leur entrée à l’école, la vie de nos enfants est numérisée. Mais où vont ces données ? À quoi servent-elles ? Réponses avec Gilles Braun, inspecteur générale honoraire de l’éducation, du sport et de la recherche et coauteur du livre « Que fait l’école des données de nos enfants ? » aux éditions Dunod.
On a tous conscience que nos vies se sont numérisées de manière générale mais celles de nos enfants passeraient presque plus inaperçues, pourquoi selon vous ?
En général, il n’y a pas de prise de conscience sur la numérisation de la société et ses conséquences. Pour les enfants, elle se déroule sur une longue période scolaire, dès 3 ans à plus de 18 ans, les parents donnent beaucoup d’informations mais ne savent pas ce qui en est fait. Notamment en ce qui concerne les données personnelles, pourquoi elles sont collectées et quels sont leurs droits sur ces données. Selon la CNIL, c’est une “information relative à une personne physique susceptible d’être identifiée ou identifiable, directement ou indirectement”. Nom, prénom par exemple… Mais il y aussi les notes, l’emploi du temps, les résultats aux évaluations. Cela peut aller des contours de la main pour rentrer dans un établissement ou les données de santé, qui sont si particulières.
Est-ce que la fuite des données à caractère personnel de nos enfants est dangereuse ?
Il faut savoir que les données des élèves sont très sécurisées, même s’il peut y avoir des erreurs ponctuelles, ce sont rarement des hackeurs qui font le coup. Certes, il y a un marché de la donnée mais nous avons des garde-fous très importants. En l’occurence, ces données sont très importantes pour administrer l’éducation. Vu la massification de l’éducation, on ne pourrait pas administrer. Affelnet et Parcours en sont des bons exemples. Sans ça, nous ne saurions pas capable de gérer l’affectation, que ce soit au lycée ou à l’université. Les passe-droits ne fonctionnent plus.
Vous suggérez d’être attentif au principe de finalité en ce qui concerne les données des enfants, pourriez-vous expliquer ce que c’est ?
Un traitement de données à caractère personnel est mis en oeuvre pour des finalités précises, c’est la loi. Elles ne peuvent pas être utilisées au-delà de ces finalités. Il faut veiller à ce qui est indiqué dans les informations données pour vérifier qu’il n’y a pas eu dépassement de ces finalités. Si on s’en aperçoit, il faut en avertir immédiatement la CNIL pour d’éventuelles sanctions. Par exemple, quand un parent inscrit son enfant à un examen, il y a une case à cocher pour la non-transmission des données sur des sites de presse. En fait, il faut être attentif pour cocher ou non des cases. Il y a un encadrement juridique très contraint, en particulier pour les enfants, il n’est donc pas forcément nécessaire de faire une veille individuelle mais en cas de doute, il ne faut pas hésiter à écrire aux délégués à la protection des données. Il y en a un dans chaque académie. Ils sont dans l’obligation de répondre à toutes les questions. En France, historiquement, le cadre est très efficace mais quand on parle de numérique, on sort des frontières.
Doit-on s’inquiéter des transferts de données entre services de l’État et via des entreprises ?
L’administration ne fait pas n’importe quoi mais c’est vrai que les traitements sont mis en oeuvre par des entreprises privées. C’est très encadré. À ce jour, il n’y a pas eu de manipulation malveillante des données en France. Je crois qu’il y a beaucoup de fantasme car les gens ne savent pas ce qu’il se passe.
Pourquoi Affelnet et Parcoursup sont-ils si compliqués ?
Ce n’est pas si complexe quand on sait comment ça marche. Cela crée beaucoup de stress, surtout Parcoursup mais c’était déjà le cas avant pour s’inscrire à l’université. De nos jours, beaucoup de monde poursuit des études supérieures, environ 700 000 jeunes qui ont souvent les mêmes voeux, avec des places limitées. C’est quand même une équation très complexe. Beaucoup de parents disent que c’est algorithme qui choisit mais ce n’est pas vrai, ce sont les établissements qui choisissent. Parcoursup leur envoie les dossiers, avec les voeux, qui sont étudiés et classés lors de commissions. Les établissements renvoient à la plateforme qui redispatche dans les limites des places disponibles. Quand un établissement reçoit 3000 ou 4000 demandes pour 200 places, en général il prend des outils pour les traiter mais in fine c’est une personne qui décide de l’avis – c’est une obligation de la loi d’ailleurs. Par contre, ces dernières années, il a été demandé aux établissements d’éclaircir leurs critères pour que tout le monde comprennent comment ils choisissent. On pourrait dire que Parcoursup est une gare de triage qui reçoit et dispatche.
Quels sont vos conseils pour y faire face ?
Pour Affelnet, ce n’est pas la peine de demander des établissements qui ne sont pas dans le secteur géographique car il y a un critère géographique. Pour Parcoursup, tout se joue en amont, au moment de l’orientation au lycée. Les élèves doivent se renseigner sur les critères des établissements souhaités et ainsi formuler leurs vœux de manière pertinente. Il faut aussi regarder les résultats des années précédentes des établissements visés et leurs critères, c’est-à-dire à quel rang s’est arrêté l’établissement pour choisir les dossiers. S’ils se sont arrêtés au rang 25 et que l’élève est 250eme, il ne sera pas pris. Ce genre d’info est publié, les établissements d’enseignement supérieur donnent des informations suffisantes pour que les élèves soient bien informés mais cela ne se passe pas le jour de la procédure, ça se passe en amont.