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Comment conjuguer <i>éco-anxiété & parentalité ?</i> - Doolittle
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Comment conjuguer éco-anxiété & parentalité ?

Impossible aujourd’hui d’être parent sans penser avec effroi au monde qui attend nos enfants demain. Entre canicules répétées, rapport du GIEC glaçant, et été indien à rallonge, l’éco-anxiété gagne les jeunes parents. Mary Guillard, psychologue spécialisée dans le traitement de l’éco-anxiété, répond à nos questions.

Comment vivre avec la culpabilité d’avoir fait naître nos enfants dans un monde qui va mal ?

La culpabilité des parents est fréquente, surtout lorsqu’on a l’impression de ne pas contrôler la situation, d’être impuissant. Il faut prendre de la distance avec les médias qui relaient des informations sensationnelles, en ne donnant que peu de capacité d’action. Ce que je préconise également, c’est de se rappeler de l’intention que les parents avaient en faisant des enfants, quelles valeurs ils souhaitaient transmettre, par exemple le partage.

À quel âge peut-on commencer à parler de la situation écologique aux enfants ? 

Il n’y a pas d’âge en particulier pour leur parler de ce sujet, mais il est important, dès le plus jeune âge, de les mettre en contact avec la nature. Cela permet de leur inculquer des valeurs environnementales, des comportements en adéquation avec leur environnement. Il vaut mieux dire les choses et accueillir leurs émotions, c’est une stratégie de régulation du stress que de pouvoir exprimer ses émotions. On peut aussi les mettre tous les jours en lien avec de l’action, par exemple le tri des déchets, ou en zone inondable leur enseigner les comportements de protection. Et leur montrer qu’il y a des possibilités d’adaptation.

Vaut-il mieux attendre que le sujet vienne d’eux ?

Si le sujet vient d’eux et qu’ils posent des questions sur l’état de la planète, on peut leur dire qu’en effet des chercheurs ont montré qu’elle ne va pas bien, à cause de l’activité humaine. Mais on peut leur montrer comment atténuer ces effets, et comment y faire face pour s’adapter.

Est-ce que la parentalité est parfois un déclic pour aller vers un mode de vie plus écolo ? L’éco-anxiété parentale pourrait être un moteur en ce sens ?

Oui, être parent peut être l’occasion de mettre en place des gestes écolo que l’on n’avait jamais mis en place jusque-là. Mais l’inverse peut aussi se passer, on peut être en dissonance et dans le déni.

Est-ce que faire de notre mieux sera suffisant, ou est-ce que nos enfants nous en voudront quoi qu’il arrive ?

Ça dépend de chacun, de la relation que l’on a avec nos enfants. L’essentiel c’est de pouvoir en discuter ouvertement, de remettre des émotions et de l’intention sur le fait d’avoir décidé de créer une famille, de parler des valeurs que l’on souhaitait inculquer, de remettre dans le contexte. Laisser place à la discussion est très important.

Que peut-on conseiller aux personnes qui hésitent à faire des enfants par rapport à l’état de la planète ?

On peut ne pas vouloir d’enfant pour cette raison et ne pas en souffrir. Mais si l’on se pose la question, et que l’on voit ça comme un sacrifice, je conseille d’entamer un travail sur soi, que cela soit auprès d’un psy ou d’un groupe de parole. Il faut comprendre ce qui est important pour soi, quelles valeurs prennent de la place. On peut aussi décider d’avoir un enfant, et de le rendre acteur et non pas victime de la situation.

Et sur la question de l’enfant « de plus », que l’on renonce parfois à faire pour des raisons environnementales ?

C’est la même chose, si ce renoncement est vu comme un sacrifice et génère de la souffrance, il faut creuser le sujet en thérapie. Il faut réussir à être OK avec sa décision, que cela soit finalement de faire cet enfant ou non. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision, il faut être cohérent avec soi-même et accepter sa décision. Quand un individu est frustré, ce n’est pas non plus bon pour la société, ni pour l’environnement.

Par Anne-Florence Salvetti-Lionne