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Clémentine Galey, la fondatrice de Bliss revient sur cinq années de création
Un podcast sur la maternité qui cumule plusieurs millions d’écoutes, un livre, un spectacle qui a rempli le Trianon en 2022, l’Olympia cette année(et sans doute le Rex les 12 et 13 mai prochains), et même une trousse de grossesse : c’est peu dire que Bliss Stories a fait du chemin depuis sa création en 2018. Clémentine Galey, la fondatrice, revient sur cette belle aventure qui continue de grandir de jour en jour.
Comment te présentes-tu aujourd’hui ?
Je dis que je suis podcasteuse, host de Bliss Stories, podcast sur la maternité sans filtre lancé il y a 5 ans. Et de fil en aiguille, je suis devenue cheffe d’entreprise de Bliss Studio. Je suis pacsée, en couple depuis 18 ans avec Julien, le père de mes enfants. Ensemble, nous avons eu Pablo, 11 ans et Thelma, 9 ans. Lui est décorateur de cinéma. On s’est rencontré sur un plateau de cinéma, sur le film On va s’aimer, ça ne s’invente pas !
Quel genre de mère es-tu ?
Plutôt détendue. J’ai toujours fait confiance à mes enfants. J’essaie de remplir leur réservoir d’amour autant que mes parents ont rempli le mien, de les éveiller à tout ce que j’entreprends. Bliss est aussi une aventure familiale. Ma nouvelle vie d’entrepreneure prend beaucoup de place. Heureusement, ils étaient déjà assez grands quand j’ai démarré et ne font que grandir et être de plus en plus autonomes. Je fais comme je peux. J’essaie comme tout le monde d’être à peu près alignée avec mes critères : sortir, voir mes copines, être seule par moment. Tout se passe plutôt bien. J’ai un conjoint beaucoup plus papa poule que moi.
Quels ont été les épisodes les plus marquants ?
J’adore les récits des mères de familles nombreuses, ce sont des bonbons pour moi. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est ce que je ne connaissais pas. Découvrir ce que c’était de subir des violences gynécologiques, du harcèlement au travail, toutes les formes d’emprise. Ce sont des trajectoires cabossées, portées par des femmes qui ont la volonté de dépasser leur douleur, qui sont dans une démarche de transmission. Elles m’émeuvent aux larmes à chaque fois, elles sont tellement impressionnantes. Tu te sens toute petite à chaque fois. Souvent, ce sont les histoires les plus dramatiques qui marquent beaucoup. En fait, chaque femme a une maternité différente. Dans un autre genre, mes épisodes préférés sont les accouchements inopinés. C’est ma passion. En taxi, sur la place de la Concorde ou à 180 km/h sur l’autoroute. Ce sont des épisodes très visuels, à écouter comme si tu regardais un épisode de 24h Chrono, jusqu’à presque ressentir la montée d’ocytocine comme la mère le jour J.
Comment gères-tu l’émotion que tu reçois à travers toutes ces confidences ?
J’absorbe beaucoup, j’ai une nature capable d’empathie et de beaucoup écouter. Je suis solide dans ma vie personnelle pour absorber tout ça. J’ai aussi le privilège de l’âge et je ne suis plus concernée par cette période de la maternité. C’est apaisant pour moi, je sais que je suis passée à autre chose. C’est que de l’écoute. Bien sûr, des histoires restent en moi plus que les autres, je mets plus longtemps à m’en remettre mais globalement, ça va. Au bout de 200 épisodes, je songe de plus en plus sérieusement à me décharger auprès de quelqu’un. Parfois, je ressens le besoin de revenir sur certaines histoires et je sais bien que mes proches ne sont pas faits pour ça.
Si tu devais revivre tes grossesses après toutes ces histoires, tu changerais quoi ?
Très bonne question ! À peu près tout ! À commencer par le choix du gynéco qui m’a aidée à accoucher. Je n’avais pas le feeling mais je suis restée parce qu’il m’avait été conseillée. Je ferais beaucoup plus de préparation à l’accouchement pour gérer les contractions. J’aurais une sage-femme libérale aussi, je ne connaissais pas à l’époque. Je prendrais une doula, je testerais l’hypnonaissance, les chants vibratoires. J’aurais envie de tester beaucoup de choses, sans forcément que cela aboutisse à un accouchement physiologique. J’aurais bien aimé tester la maison de naissance. Une de mes sœurs m’a dit qu’elle avait eu l’accouchement parfait. J’aurais bien voulu avoir cet accouchement-là mais c’est comme ça, on ne peut pas refaire l’histoire.
Tu as créé le podcast Bliss au printemps 2018, quels sont les chiffres aujourd’hui ?
En février, on était quasiment à un million d’écoutes. C’est délirant. Depuis le début, on est à peu près à 40 millions d’écoutes, en 5 ans. On est dans le top 5 ou 10 parmi les podcasts natifs français. Je pense que c’était le bon moment. Il y avait urgence à raconter des choses vraies. Les podcasts en étaient à leurs balbutiements. Avec la recette « le bon média + le bon sujet + le bon moment », les planètes se sont alignées. Il y a un ton aussi, une complicité, une sororité. J’ai toujours abordé mes interviews comme si je discutais avec mes copines, sans trop les préparer, puisque je n’avais pas le temps aux débuts. Quand j’ai compris ce qu’on tenait, j’ai voulu le garder à tout prix pour ne pas briser la magie de l’émotion. Les accouchements font partie des moments de vie dont tu te souviens à la minute près, même des années après. J’ai tout de suite compris qu’il fallait se servir de cette mémoire vive pour avoir des récits précis. Aujourd’hui, les épisodes sont devenus des rendez-vous pour la communauté. L’épisode est de plus en plus attendu. C’est précieux d’avoir réussi à créer l’attente mais cette communauté est aussi engagée qu’exigeante. Je ne peux pas proposer n’importe quoi. Il faut garder un niveau d’exigence, se remettre en question, trouver le bon témoin qui va transmettre la bonne histoire et le bon sujet de la bonne manière. C’est un vrai travail de sélections et d’enquête. Le bon témoin, c’est le nerf de la guerre.
Les 200 épisodes disponibles constituent une matière riche pour les futures mères, as-tu conscience que c’est presque d’utilité publique ?
J’en ai conscience, on me le dit tous les jours. Si j’ai décidé de lancer ce podcast, c’était pour me rendre utile. Ça donne des outils, de la force, de la conscience. Je suis ravie, j’ai envie que ça continue après moi. Je le fais aussi pour les autres générations. Maintenant que le mouvement est en marche, il va continuer à avancer. Il ne faut rien lâcher. Il reste encore plein de choses à faire, plein de verrous au niveau des pouvoirs publics, des entreprises, de l’éducation dans les collèges et les lycées. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Ce qui est désolant peut-être, c’est que je n’aurais pas assez d’une vie pour traiter les plusieurs centaines de témoignages qui arrivent tous les mois – entre 500 et 700.
La parole s’est libérée sur tous ces sujets-là, mais quid de la société : est-ce qu’elle accepte cette liberté de ton ?
Une grande partie, oui, heureusement. À force de s’exposer sur les réseaux, de signer des pétitions, de s’unir, de mettre en lumière les violences gynécologiques, de bousculer le corps médical, ça bouge. On n’est pas encore dans un monde idéal. Chez Bliss, on est régulièrement consulté par les pouvoirs publics, des rendez-vous au Ministère ou la Mairie de Paris. Ils nous consultent, essayent de comprendre, d’avoir des retours. C’est intéressant, ça n’aboutit pas toujours aussi vite qu’on le voudrait sur des actions concrètes mais on sent un peu plus d’intérêt qu’il y a quelques années.
Bliss, c’est avant tout des histoires de mamans, quelques papas ont participé mais cela reste encore anecdotique, aimerais-tu davantage donner la parole aux pères ?
D’emblée, les hommes n’ont pas été inclus. Je l’assume parce que je considère qu’ils ont d’autres endroits pour s’exprimer. On leur donne assez la parole donc pour moi, ce ne sera que des femmes. C’est un lieu de femmes pour les femmes. Mais les hommes sont de plus en plus nombreux dans les salles de spectacle et en tant qu’auditeurs de Bliss Bump.
Parlons un peu de ta communauté, quel lien as-tu avec elle ?
J’ai 186 000 copines sur Instagram ! Elles me connaissent beaucoup plus que je ne les connais, me reconnaissent dans la rue et me tutoient tout de suite. Ma voix les a accompagnées dans des moments tellement cruciaux, bons ou mauvais, c’est comme si j’avais un accès direct dans leur coeur. C’est précieux et responsabilisant, j’en ai conscience. Il faut être digne de cette confiance, de cette fidélité, de cet engagement. On fait en sorte d’honorer leurs besoins, leurs envies, leurs doutes et de traiter un maximum de sujets qui peuvent aider.
De toute cette aventure, qu’est-ce qui te rend le plus fière ?
Entendre “vous êtes d’utilité publique”, c’est synonyme d’une forme d’accomplissement personnel, professionnel, humain. C’est quelque chose…