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On fait le point sur la <i>vie sexuelle</i> post-partum avec <i>Camille Bataillon</i> - Doolittle
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On fait le point sur la vie sexuelle post-partum avec Camille Bataillon

L’arrivée d’un enfant bouleverse la vie des parents à bien des égards. Une enquête de l’IFOP et FLASHS réalisée pour le site Sleepyz.fr, s’est notamment penchée sur la vie sexuelle des Français après l’accouchement. Verdict : il arrive que pour les femmes, sexualité et post-partum ne fassent pas bon ménage. Rien d’irréversible, selon la sexologue clinicienne Camille Bataillon.  

La fatigue liée au nouveau rythme de vie imposé par bébé est évoquée par 92% des femmes qui ont senti leur désir fléchir. Y a-t-il d’autres raisons ?

C’est une combinaison de facteurs. La fatigue est effectivement l’élément le plus fréquent. Mais cela peut être aussi dû à un stress voire une dépression post-partum, tant pour la personne qui a accouché que pour le coparent. Ça peut aussi être lié à des douleurs physiques : souvent, on pense aux douleurs vaginales – l’épisiotomie – mais il peut aussi y avoir la douleur de la cicatrice post-césarienne, des douleurs au coccyx, des maux de dos, etc. Bref, toutes ces douleurs freinent l’envie sexuelle.

Beaucoup de femmes disent être mal à l’aise avec leurs corps après l’accouchement…

Oui, c’est assez courant. C’est important que les femmes se demandent “comment je me sens dans ce corps qui passe de l’état de grossesse à l’état post-partum et qui se régénère ?”. Pour certaines femmes, le ventre – qui peut devenir flasque et avoir des vergetures – est un frein. Or si je ne me sens pas bien dans mon corps, je n’aurais certainement pas envie d’être dans une intimité, que ce soit avec moi-même ou mon/ma partenaire. 

Quelles sont les raisons de ce mal-être corporel ?

La question, c’est surtout : comment je me sentais dans mon corps avant la grossesse ? Si vous aviez déjà un mal-être corporel avant l’arrivée de l’enfant, ce n’est pas en post-partum que ce sera plus facile. D’autant que les corps en post-partum ne sont pas encore bien représentés. Avec Instagram, on en parle de plus en plus notamment depuis le hashtag #monpostpartum, mais ça reste rare. La plupart des femmes se prennent une claque en ouvrant des magazines où vous ne trouvez aucun corps en post-partum. On voit seulement des corps idéalisés, des corps lisses, des corps fermes. Or, le post-partum, ce n’est pas du tout ça. Du coup, on se dit : c’est pas sexy, c’est pas désirable parce que ce n’est pas ce que la société attend de moi, ce que mon partenaire attend de moi. Cet angle-là joue beaucoup.

Après l’accouchement, une chute hormonale suit. Ça joue aussi sur la libido ?

Oui, forcément. Surtout avec l’allaitement : il entraîne une baisse d’œstrogènes, causant une diminution de la lubrification vaginale. Il provoque aussi une augmentation de la prolactine – l’hormone qui produit la lactation – susceptible de réduire l’intérêt sexuel. Avec l’allaitement, vous avez aussi l’hormone de l’ocytocine : lorsque vous êtes en peau à peau avec votre bébé. À cet instant, on remplit son réservoir affectif. On a donc moins ce besoin de le rechercher chez son ou sa partenaire. 

On fait le point sur la <i>vie sexuelle</i> post-partum avec <i>Camille Bataillon</i> - Doolittle

Pourquoi la baisse de libido concerne plus les femmes que les hommes (43% des femmes contre 29% des hommes) ?

De manière générale, les tâches ne sont pas si bien réparties. Vis-à-vis de l’éducation sexuelle et du poids de la sexualité, on ne part pas de manière égale entre les femmes et les hommes. Pas parce que c’est inné ou biologique mais parce que c’est sociologique et culturel : les hommes n’ont pas ce jugement, ni cette culpabilité d’avoir de la sexualité. Au contraire, on les encourage à être libre sexuellement, dès le jeune âge. On remarque aussi que dans notre société, être mère n’est pas “sexy”. Ce qui est désirable, c’est une femme libre dans le sens accessible. Or, une mère est plus difficilement accessible. Ça reste des croyances, c’est donc pour cela qu’il est important que les femmes aient confiance en elles. 

En moyenne les parents reprennent une activité sexuelle 7,1 semaines après l’accouchement. Que pensez-vous de ce chiffre ?

Souvent, le corps médical recommande d’attendre six semaines pour la cicatrisation de l’épisiotomie. Tout simplement parce que ce check-up est à 6 semaines. Mais attention, avec cette date de reprise, souvent les gens se disent : “Ah bah ça y est, ça fait 6 semaines, j’ai le feu vert, on me demande de prendre une contraception alors que je ne pense même pas à la sexualité. Si c’est le corps médical qui le dit, est-ce que ça veut dire que les personnes autour de moi ont déjà repris ?”. Résultat : certaines femmes se mettent la pression et reprennent une activité sexuelle alors qu’elles n’en ont pas forcément envie. Dans l’étude, cela concernerait 22% des femmes.

Ce qui est assez alarmant…

Oui ! Nous sommes même plusieurs professionnels à dire que ce chiffre est sans doute plus important. Seulement, les femmes n’osent pas parler… Mais je l’entends souvent en consultation. La pression peut venir d’elles-mêmes ou de leur partenaire. Pour info, on s’en fiche de quand vous reprenez. Le plus important est de se demander à soi-même si on en a envie et de quoi on a envie aussi. Il faut également penser au-delà de la pénétration. C’est tout à fait possible de reprendre des rapports intimes après l’accouchement à travers des caresses, du sexe oral, la masturbation, etc. C’est d’ailleurs intéressant de l’avoir exploré avant le post-partum. 

Quels conseils donneriez-vous à de futurs parents ?

Sans surprise, la communication est primordiale. C’est déjà difficile de communiquer de manière générale, sans forcément parler de sexualité. Il faut savoir discuter de quelle manière on a envie de reprendre cette intimité et surtout, la personne qui a accouché doit se sentir en sécurité, à l’aise, en confiance. Ainsi, elle sera en mesure de décider du bon moment pour reprendre. Mais pour cela, il faut recréer de la connexion. Et donc avoir des moments de tendresse. En post-partum, la vie intime doit reprendre dans la communication, le consentement et la douceur.

  • Suivre Camille Bataillon sur son compte Instagram @camilleparlesexe
  • Le livre de Camille Bataillon Réinventer sa vie intime après bébé : Un guide pratique bienveillant pensé par une sexologue engagée est disponible ici.
Par Ana Boyrie