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Les enfants, <i>à table</i> ! - Doolittle
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Les enfants, à table !

Il y a 50 ans, la chaise évolutive Tripp Trapp de Stokke faisait son apparition. En intégrant pour la première fois l’enfant à la table des parents, le modèle norvégien casse les codes du repas qui, désormais, est perçu comme un moment d’échange, d’apprentissage et bien entendu, de plaisir. 

Les céréales du dimanche soir, les purées Blédina, les coquillettes dans le bavoir, papa qui prend la cuillère pour un avion… Les anecdotes de table, ce n’est pas ce qui manque. Mais au-delà d’être des moments de plaisir – plus ou moins gustatifs, certes –, les repas qu’un enfant passe à table constituent des étapes fondamentales à son développement.

Trouver sa place  

“Comme le sommeil ou l’alimentation, nous sommes aujourd’hui très attentifs à la manière dont on nourrit l’enfant, estime Jeanne Maitre, psychologue spécialisée en périnatalité. Et donc installer l’enfant à table, c’est une façon de dire que l’on pense à son confort et à la manière dont il bouge son corps.” Propreté, concentration, sociabilité… Pour un enfant, les repas sont souvent synonymes d’apprentissage et l’aident à se construire comme sujet, comme individu unique. “Lors du repas, l’enfant va travailler ses compétences sociales, lance Stephan Valentin, docteur en psychologie et spécialiste de la petite enfance. En étant à table, il va apprendre à respecter l’autre, à se mettre à la place de l’autre, à s’exprimer mais aussi à écouter. C’est un vrai moment de communication.” Plus encore, c’est un espace où l’enfant va progressivement s’affirmer. Qui n’a jamais entendu un enfant crier “c’est ma place !” ? Ce à quoi répond Stephan Valentin : “La place à table fait partie d’un rituel. C’est donc rassurant pour l’enfant de savoir où est sa place et de toujours la retrouver.” Qui dit place à table, dit aussi place au sein du cercle familial. En effet, certains enfants, de par leur forte personnalité, peuvent vite prendre le dessus sur d’autres. Florence, 59 ans, maman à l’époque de quatre enfants, a pu en être témoin : “Il y en avait pour épater la galerie, et d’autres que l’on n’entendait jamais. Finalement, sa place à table, c’est aussi sa place au sein de la fratrie.”

Les enfants, <i>à table</i> ! - Doolittle

Tais-toi et mange !

De plus, la considération de l’enfant et la prise en compte de sa sensibilité a largement évolué au fil des dernières décennies. “Dans les années 1970, les enfants n’avaient pas beaucoup de droits, poursuit Stephan Valentin. Ils n’avaient pas de droit de parole, ils étaient très passifs, plutôt faibles.” Florence s’en souvient comme si c’était hier : elle et sa sœur avaient pour obligation de manger dans la cuisine, séparées de leurs parents. Et les rares occasions où les deux jeunes filles étaient conviées à la “table des grands”, pas un mot. “Le moment du repas n’était pas du tout un moment d’échange. Je n’ai pas le souvenir de raconter mes journées. Il fallait que je me taise, ce qui était extrêmement compliqué pour moi, étant une vraie pipelette… Ce n’est pas que nos parents n’étaient pas intéressés, mais c’étaient les codes de l’époque.” Pour Stephan Valentin, cette approche froide et autoritaire a pu provoquer chez ces enfants de grandes insécurités. Lorsqu’à son tour, Florence est devenue mère, pas question de reproduire le même schéma. Sans pour autant adopter la politique de l’enfant roi, la jeune maman tient à ce que ses enfants à table soient considérés “comme de vraies petites personnes”. “Il arrivait qu’ils dînent avant nous car nous rentrions trop tard du travail, mais le dîner a toujours été un moment de partage et de convivialité, raconte-t-elle. Les quatre étaient à table et nous racontaient leur journée. Jamais mon mari et moi ne parlions de nous, on n’échangeait rien sur nos vies d’adultes. Le moment à table, c’était celui des enfants.”

L'emblématique chaise Tripp Trapp® dans le nouveau coloris Bleu Fjord - Doolittle

L'emblématique chaise Tripp Trapp® dans le nouveau coloris Bleu Fjord

Le pouvoir de la chaise 

Jeanne Maitre en est persuadée : la reconnaissance progressive de l’enfant à table passe principalement par la chaise. “Elle lui a donné de meilleurs appuis et une plus grande visibilité. Ses parents le voient, il voit ses parents à hauteur, contrairement au transat’ où il est au niveau des pieds et du sol, déclare-t-elle. Dans sa chaise, il est libre de ses mouvements, de ses mains, de ses bras, de son regard… Il est enclin à l’exploration.” La chaise surélevée en remet une couche, permettant cette fois aux tout-petits d’être au même niveau que les adultes autour d’une table. “Malheureusement, elle n’existait pas lorsque j’étais enfant, regrette Florence. On restait donc plus longtemps dans la chaise bébé, qui finissait par être un peu prisonnière. Ou alors, on passait directement à la chaise d’adulte avec la tête qui arrivait à la hauteur de la table.” Rappelons que c’est en observant son fils de deux ans inconfortablement installé que le designer norvégien Peter Opsvik eut l’idée de la chaise évolutive Tripp Trapp, culte depuis 1972. “Après, il y a ce que la chaise haute permet et il y a comment les parents s’en saisissent”, nuance la psychologue. Si les parents l’utilisent pour se décharger de l’enfant, en disant “je t’installe dans ta chaise haute et je te pose le téléphone sur la tablette, comme ça si tu pleures, tu pourras t’occuper”, on est de nouveau dans une inconsidération.”

Si l’assise norvégienne est restée la même depuis sa conception – bien que deux nouveaux kits soient sortis, le “Baby Set et “Newborn Set” –, l’éducation de l’enfant à table, elle, continue d’évoluer. Exemple avec la DME, une méthode de diversification, imaginée par le Britannique Gill Rapley dans le début des années 2000, qui connaît aujourd’hui un véritable essor auprès des jeunes parents et qui positionne l’enfant comme acteur principal de ses repas. Fini les bouillis, purées et autres petits plats moulinés que l’on donne à la cuillère. Désormais, ce sont des morceaux que l’on propose à bébé pour développer son autonomie ainsi que ses capacités motrices. “Finalement, ce qui ne change pas, c’est l’épanouissement de l’enfant qui, depuis les années 80, est une priorité”, conclut Florence, désormais grand-mère d’un petit garçon.

Par Par Ana Boyrie