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Le jour où <i>Steven</i> Spielberg a découvert le <i>cinéma</i> - Doolittle
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Le jour où Steven Spielberg a découvert le cinéma

Dans The Fabelmans, Steven Spielberg raconte son enfance et comment il est arrivé à Hollywood pour y planter sa tente après avoir réalisé des petits films avec l’aide de ses copains scouts. Le cinéma l’obsède depuis ce soir de décembre 1952 où on lui avait initialement promis d’aller au cirque. 

« Maman et papa seront à tes côtés. Les lumières s’éteindront, les rideaux s’ouvriront, et on entendra de l’orgue. N’aie pas peur. » Du haut ses 5 ans, Sammy ne se sent pas de taille à affronter les créatures gigantesques qui vont défiler à l’écran. Nous sommes le 10 décembre 1952, quelque part dans le New Jersey. La marquise promet « The Greatest Show on Earth » (Sous le plus grand chapiteau du monde en VF), chronique circassienne et feuilletonnante où clowns et acrobates se taillent la part du lion. « Ce sera un rêve sur un cirque avec des clowns, des acrobates… », lui rétorque-t-on. Sammy insiste : « Il va faire nuit à l’intérieur. Je ne veux pas y aller ». Voilà bientôt une heure qu’il attend dans le froid avec ses parents…

Cette scène inaugurale de The Fabelmans exhume le premier souvenir de cinéma de Steven Spielberg. Même âge, même lieu, même film. Ce soir-là, le jeune garçon se prépare à voir la piste aux étoiles. Le cirque le fascine depuis que sa mère Leah lui a raconté les tribulations de l’oncle Boris, comédien du théâtre Yiddish parti s’encanailler sous un chapiteau ambulant. « Il effrayait toute la famille, se souviendra plus tard Steven Spielberg, parce qu’il travaillait pour le cirque Ringling Bros. Barnum et Baily. Il était dompteur de lions. » Mais Steven n’entend aucun fauve rugir à l’entrée du Westmont Theater, salle mythique de la banlieue de Philadelphie. Comme pour le personnage de Sammy, l’obscurité terrorise Steven. Mais il est déjà trop tard. La foule s’engouffre dans le hall. Son père Arnold l’y entraîne à son tour.

La suite, Steven Spielberg l’a racontée l’an dernier au micro de la journaliste Terry Gross : « Nous sommes entrés dans cette grand salle avec tous ces sièges tournés vers l’avant. Il n’y avait pas de chapiteau, juste un bâtiment. Je me souviens de la couleur des sièges : ils étaient rouges. Et puis soudain, le rideau s’ouvre, et cette grande image granuleuse en couleur apparaît à l’écran. » Les prunelles grandes ouvertes, le petit Stevie se laisse happer par les couleurs chatoyantes. Sous le plus grand chapiteau du monde, donc, se rejoue chaque soir le même spectacle sous l’œil inquiet de Brad Baden (Charlton Heston), silhouette d’emblée iconique avec son blouson de cuir, son feutre et son visage émacié. Il y a aussi le trapéziste Sébastian (Cornel Wilde), bourreau des cœurs qui courtise la voltigeuse Dolly (Betty Hutton), blonde pétulante qui démasque le clown Buttons (James Stewart), médecin en cavale après avoir accidentellement tué sa femme.

screen du film The Fabelmans @ScriptMagazine - Doolittle

screen du film The Fabelmans @ScriptMagazine

L’intrigue éclatée du blockbuster de Cecil B. De Mille échappe très certainement au tout jeune Steven Spielberg. Mais une scène spectaculaire ne décolle plus de sa rétine au sortir de la séance. Elle a surgi au bout de deux heures, quand deux malfrats manigancent un hold-up sur la voie ferrée qui achemine le train du cirque de ville en ville. Une locomotive lancée à tout berzingue se précipite en direction de leur voiture bloquée sur les rails. Steven peut encore entendre les mécaniques s’entrechoquer, revoir les lions s’échapper de leur cage. Pour la première fois de sa vie, la terreur se mêle à la fascination. Bientôt, Arnold lui offrira un train électrique. Steven exorcisera ces images qui le hantent en reproduisant l’accident, encore et encore. Jusqu’à ce que Leah ne lui propose de les imprimer sur pellicule. Armée de la caméra 8mm de son père, l’enfant Spielberg tourne son premier film, The Last Train Wreck (Le Dernier Accident de Train), un court-métrage de 3 minutes pastichant le carambolage ferroviaire mis en scène par Cecil B. DeMille. 

Steven comprend alors le double pouvoir de ces images en mouvement surgies de la nuit : celui d’émerveiller et de guérir. Le « plus grand spectacle du monde » laissera une empreinte durable sur un large pan de sa filmographie. Un train à vivre allure menace ainsi d’emporter une voiture sur son passage dans Duel, premier film de Spielberg, tandis que Brad Baden et sa dégaine d’aventurier accoucheront d’Indiana Jones, dont les troisièmes aventures s’ouvrent d’ailleurs sur une séquence épique à bord d’un train de cirque. Dans The Fabelmans, le cinéaste raccrochera finalement les wagons pour se raconter. La boucle est bouclée !

screen du film The Fabelmans @Nerdtropolis  - Doolittle

screen du film The Fabelmans @Nerdtropolis

  • Crédit photos : Pinterest
  • The Fabelmans sort en salles le 22 février 2023
Par Boris Szames