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Charline Vermont : <i>« L’éducation sexuelle devrait être une matière principale »</i> - Doolittle
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Charline Vermont : « L’éducation sexuelle devrait être une matière principale »

Charline Vermont est la créatrice du compte @orgasmeetmoi. Elle transmet chaque jour de précieux conseils d’éducation sexuelle, affective et émotionnelle à une communauté de plus de 660 000 personnes. Une mine d’informations pour les adultes qui s’y retrouvent pour partager leurs expériences et poser toutes les questions sans tabou. En parallèle, Charline s’adresse aussi aux plus jeunes avec son ouvrage, dont la seconde édition vient de paraître, Corps, Amour, Sexualité, les 120 questions que vos enfants vont vous poser aux éditions Albin Michel. 

On vous présente souvent comme mère de famille nombreuse et formatrice en santé sexuelle. Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ?

J’ajouterais ma casquette de praticienne en sexothérapie dont j’ai obtenu la certification et qui me permet, aujourd’hui, non seulement d’accompagner des patients, mais aussi d’animer des conférences, de donner des cours à la Sorbonne auprès de professionnels, d’intervenir aussi dans les collèges, lycées et universités pour parler d’éducation sexuelle.

Comment avez-vous commencé dans ce domaine ? 

Je suis formatrice en santé sexuelle à la base et j’ai développé trois canaux de communication autour de cela : mes interventions face à un public qu’il soit professionnel ou constitué d’élèves, mon premier livre pour les parents et les enfants âgés de 5 à 14 ans et enfin mon compte Instagram que j’ai créé en février 2019. 

En parlant d’Instagram, quelle est la genèse du compte @orgasmeetmoi ?

Avant Instagram, en 2015, j’avais ouvert des blogs sexo car je m’étais rendue compte de l’ignorance des adultes autour de moi sur ces sujets. A l’époque, il y avait encore très peu de ressources autour du rapport au corps et de sa découverte, de nombreux tabous restaient à lever. Je suis arrivée sur Instagram complétement par hasard, en pleine apogée post #metoo et j’ai constaté un vide en matière d’éducation sexuelle. J’ai eu envie d’y remédier et je l’ai fait à ma manière :  dans le partage de choses positives, dans le dialogue sur une sexualité consentie et partagée avec l’envie de connecter les gens et de reconnaître la diversité. Somme toute, j’ai voulu avant tout créer un espace SAFE sur lequel tout le monde peut venir. 

Votre communauté grandit de jour en jour, que représente-t-elle aujourd’hui ?

Aujourd’hui @orgasmeetmoi, c’est une communauté de plus 660 000 personnes qui gravitent autour de moi (Charline est seule à gérer son compte, ndlr), presque 5000 messages par semaine qui arrivent, un rendez-vous hebdomadaire le dimanche en live qui rassemble entre 200 000 et 300 000 personnes. C’est un travail dans lequel je m’investis énormément – parfois jour et nuit ! J’ai choisi la légèreté et un modèle d’éducation positif comme credo, le rire comme alliance pédagogique. Instaurer une ambiance ludique autour des sujets d’éducation est primordiale pour moi. 

L’Education Nationale fait-elle assez de communication et d’actions autour de l’éducation sexuelle ?

En France, nous avons clairement une génération de retard comparé aux pays scandinaves sur ces sujets. Il y a un véritable déficit pour répondre aux besoins des établissements scolaires.  On a besoin aujourd’hui de beaucoup plus de personnes au sein des écoles pour parler de consentement, de relations saines. Il faut vraiment penser à très très grande échelle. Seulement trois séances annuelles d’éducation à la sexualité sont mises en place dans les collèges et les lycées et on manque tellement de moyens que même ces trois séances ne sont pas remplies, seulement 15 % sont assurées ! Je milite pour que l’éducation affective, sexuelle et émotionnelle devienne une matière principale. Je demande souvent autour de moi : « Combien de fois dans votre vie avez-vous eu besoin d’appliquer le théorème de Pythagore ? » et en parallèle « combien de fois au cours des dernières 24h vous êtes-vous interrogé sur la qualité d’un échange relationnel ? » Le résultat fait l’unanimité. La loi est lunaire et son application presqu’à zéro. Je me bats pour que les choses avancent. 

Charline Vermont : <i>« L’éducation sexuelle devrait être une matière principale »</i> - Doolittle

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Comment est né ce premier livre ? 

Ce livre est né d’un premier constat, que les gens autour de moi et dans ma communauté manquaient d’informations et d’éducation sur tous les sujets autour de la sexualité. En premier lieu, j’ai voulu comprendre d’où venait cette ignorance. J’ai pris le temps en échangeant énormément et j’en ai relevé quelque chose de fondamental : qu’il fallait apporter l’information directement à la maison. En effet, on parle et on transmet tous les savoirs d’un patrimoine familial commun sans jamais y intégrer la sexualité. Il y a une impasse quand on commence à parler de corps et sexe. Le projet est né concrètement pendant le confinement, où je travaillais avec ma communauté devant mes enfants qui étaient à l’époque âgés de 5, 7 et 8 ans. Quand mon fils cadet m’a demandé frontalement : « Maman, ça veut dire quoi ‘sexe’ ? » et qu’avant de lui répondre je lui ai demandé son avis sur la question et qu’il m’a répondu : « Je sais pas, mais c’est sale », j’ai compris qu’il fallait en parler et on a commencé à discuter de tout ça ensemble dans le salon, leurs oreilles grandes ouvertes. Les questions fusaient dans tous les sens, c’était magique. J’ai compris que lorsqu’on se donnait les moyens de parler de manière saine, les enfants étaient hyper intéressés. J’ai alors eu envie de matérialiser leur demande en cherchant un livre et là j’ai été surprise, à part des livres de parenting du type « Oser en parler ! Savoir parler d’amour et de sexualité à ses enfants » et depuis Le guide du zizi sexuel de Zep, qui certes a été un objet transitionnel super mais qui est aujourd’hui daté, ce livre n’existait pas, alors j’ai décidé de le faire. 

A qui se destine-t-il ?

Je l’ai imaginé à destination des enfants, mais aussi des parents. Eux qui représentent la première génération à se donner les moyens de parler de manière saine à leurs enfants en leur apportant les connaissances nécessaires et les moyens de se protéger, en abordant des sujets essentiels comme la puberté, l’estime de soi, sa place dans la société, tout ceci sans tabou. Les parents d’aujourd’hui – et même si ça les effraie – doivent donner les moyens nécessaires à leurs enfants de changer pour le meilleur et de créer un espace safe. Sans omettre que dans tout cela, il y a deux intimités à préserver : celles des enfants et celles des parents, en effet il ne faut pas confondre parler de sexualité et parler de SA sexualité. Le livre existe pour accompagner, il sert de guide aux parents comme aux enfants. 

Comment avez-vous défini les questions que vous abordez dans ce livre ?

C’est en sondant ma communauté que nous avons collecté des milliers de questions et que nous avons choisi les plus redondantes, pertinentes parmi deux sondages : l’un destiné aux parents qui faisaient face aux questions de leurs enfants et l’autre destiné aux non-parents qui se souvenaient des questions sans réponses qu’ils avaient eues eux-mêmes enfants. Je me suis enfin entourée d’un collège d’expert.e.s, un comité médical incluant une gynécologue obstétricienne, une pédopsychiatre, une thérapeute, un professeur des écoles, qui m’ont aidée à l’élaborer. Le plan par catégorie d’âge s’est fait tout naturellement.

 La première édition du livre a un an. Pourquoi le rééditez-vous ?

Cette seconde édition accueille une vingtaine de questions supplémentaires qui me paraissent indispensables parmi lesquelles l’endométriose ou encore les premiers poils au menton y sont abordées.  En parallèle, je suis en train d’écrire mon second livre, les questions du premier s’arrêtent aux prémices du lycée, j’ai voulu continuer en m’adressant cette fois-ci aux personnes à partir de 15 ans, l’âge de la majorité sexuelle, des premières expériences. Ce livre a pour vocation d’être beaucoup plus explicite et son lectorat (plus âgé) beaucoup plus large. 

Comment la sexualité des jeunes a-t-elle évolué ces 20 dernières années ? 

Il m’est très difficile d’apporter un seul élément de réponse à cette question, les connaissances en termes d’éducation sexuelle, de consentement et d’estime de soi sont tellement disparates entre les établissements où je peux me rendre. Il y a des classes où les élèves sont très bien informés, avancés et d’autres complétement reculés. On en revient au rôle de ces interventions qui sont indispensables : accompagner les enfants à construire des relations saines, ça nécessite un apprentissage, avec trois séances prévues par an c’est impossible. J’en profite enfin pour saluer les chefs d’établissement qui s’engagent sur ces sujets, au personnel, aux infirmières, aux documentalistes, aux profs qui s’investissent, je leur dis bravo.

 

Par Lucie Lecointe