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À la <i>rencontre</i> d’Alexandre Marcel, alias <i>Papa Plume</i> - Doolittle
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À la rencontre d’Alexandre Marcel, alias Papa Plume

Bouleversé par la naissance de sa fille Ambre en 2018, Alexandre Marcel décide de créer un site puis un compte Instagram baptisé “Papa Plume”, afin d’y raconter son quotidien de père. Aujourd’hui suivi par des milliers d’abonnés, ce “papa influenceur” touche ses lecteurs grâce à des textes  sincères, sensibles mais aussi engagés pour une parentalité égalitaire.

Comment est né le projet “Papa Plume” ? 

J’ai toujours adoré écrire et inventer des histoires pas possibles. Or là, il m’arrivait un truc incroyable : être papa. Je me suis dit : “Si t’écris pas là-dessus, ça ne va pas.” Le manque de lectures pour les papas m’a aussi poussé. C’est soit des livres blagues soit des guides pratiques. Mais des confidences intimes, des récits dans lesquels j’aurais pu m’identifier, me retrouver, nada. J’ai profité des quatre jours passés à la maternité pour écrire une nouvelle de 40-50 pages.

C’est devenu le livre “Je ne m’attendais pas à ça”…  

C’est ça. Après que mon compte Instagram a explosé (il compte aujourd’hui 134 000 abonnés, ndlr), Larousse m’a contacté. Je leur ai adressé ma nouvelle, ils m’ont répondu : “C’est trop beau. Sers-en toi comme base, puis raconte-nous ce que tu veux”. Ce que j’ai fait. Pourtant, je ne suis pas du tout d’une nature à exprimer ce que je ressens. À l’oral, je ne vais jamais me confier, je garde tout en moi. Mais à l’écrit, je m’ouvre.

J’ai d’ailleurs remarqué que tu avais un nouveau livre en route… 

J’en ai deux ! Un roman chez Michel Lafon qui devrait sortir fin mai. Ça racontera les aventures d’un papa et de sa fille sur une cinquantaine d’années et trois continents. Un chapitre sur deux, tu changes de point de vue. Quand c’est celui du père, tu remontes le temps depuis les années 60 à aujourd’hui. Je suis vraiment fier de ce livre. Le deuxième sera édité chez Larousse. On ne sait pas encore quand, mais ce qui est sûr, c’est que ce sera un “abécépère”.

Quand tu es devenu papa pour la première fois, qu’est-ce qui t’as marqué ? 

L’accouchement. La force de Marianne [sa femme, ndlr]. En tant qu’homme, c’est une leçon d’humilité. Quand je pense qu’on les a appelées pendant des siècles “le sexe faible”, c’est que t’as jamais vu un accouchement mon gars… (rires) Et puis, l’apparition de ma fille. Tu l’attends pendant 9 mois, tu ne sais pas à quoi elle va ressembler et d’un coup d’un seul, elle est là et fera à jamais partie de ta vie. Ce séjour à la maternité, ça a été les plus beaux jours de ma vie. Alors oui, tu ne dors pas très bien, t’as tout le temps peur de faire mal les choses, mais t’as entre les bras un petit être précieux qui te rend fier et qui t’inspire.

Tu parlais tout à l’heure du fait de trouver très peu de lectures pour les papas, comment tu l’expliques ? 

Je pense que c’est lié avant tout à la pudeur des mecs. Quand je vois Marianne au téléphone avec ses copines, c’est du délire ! Elles se racontent tout. Mes potes, quand je les ai au téléphone – encore faut-il que je les appelle – on va parler de foot, de trucs à la con, mais pas de nous. Alors le faire en public, c’est encore moins évident. Je le vois dans mes followers d’ailleurs. À 93%, je suis suivi par des femmes.

Donc vous avez envie de parler de choses intimes mais vous ne vous sentez pas à l’aise pour le faire ? 

Ouais, c’est ça. C’est aussi l’égo masculin, comme le fait de demander de l’aide. L’idée véhiculée, c’est de dire : “On n’a besoin de rien. Nous, on est fort, on est des rocs.” Depuis tout petit, on nous dit : “T’es un garçon, donc tu pleures pas”. Forcément, tout ça, tu l’emmagasines.

Être ouvert à ses sentiments, ce serait ça le “papa d’aujourd’hui” ? 

Pour moi, oui. Par exemple, s’autoriser à pleurer en salle de naissance. L’idée c’est de retirer l’armure. Elle reste, mais elle est plus discrète. Je pense aussi à l’implication des pères dès la naissance, dans la toute petite enfance, et même dès la grossesse. Après, faut pas rêver, les inégalités demeurent aussi bien à la maison qu’au travail.

Comme quoi par exemple ? 

Les inégalités de salaire qui augmentent lorsque tu deviens parent. Les tâches domestiques et familiales, qui sont au trois quarts réalisées par les mères. Tu vois dans les statistiques les heures qu’elles passent à la maison. En termes de progression sociale et de choix, c’est souvent la mère qui fait les sacrifices. Après la naissance d’un enfant, une mère sur deux modifie son activité professionnelle, un père sur 9 seulement… La plupart du temps, s’il y a un problème à la crèche ou à l’école, qui est-ce qu’on appelle ? La mère.

En quoi le rôle du père a changé selon toi ? 

Pendant longtemps, le père a été une figure d’autorité. On est assis sur un héritage patriarcal énorme. C’est le pater familias romain. À l’époque romaine, le père avait tout pouvoir sur sa famille. Il avait droit de vie et de mort sur ses enfants, il pouvait prostituer sa fille… Il faisait ce qu’il voulait. C’était le représentant de l’empereur au sein de sa famille, le garant de l’autorité. Fort heureusement, les pères ont perdu ce droit. Mais quand tu vois que jusqu’en 1970, on utilisait le terme de “puissance paternelle”, depuis remplacé par “autorité parentale”, ça a pris du temps.

Finalement, le rôle et l’image du père n’évoluent-t-elles pas avec l’égalité femmes-hommes ?

Bien sûr, tout cela est lié. Le défi des femmes a été – et continue de l’être – de s’émanciper de la sphère domestique vers la sphère publique. Aujourd’hui, le défi des hommes, c’est l’inverse. Pendant des siècles, on a dit aux hommes : “Tu es fait pour explorer et conquérir”. Aujourd’hui, les pères ont envie de retrouver l’intime familial. Malheureusement, dix ou vingt petites années de changement pèsent bien peu face à 3000 ans de patriarcat. Ce sont des lignes difficiles à bouger, mais on s’accroche.

Comme pour le congé paternité ? 

Exactement ! Bien qu’on ait obtenu 28 jours, c’est encore trop peu. Quand on voit les pays voisins notamment scandinaves, on a encore de la marge. Or, les premiers temps avec bébé sont hyper importants. Si tu repars travailler après 3 semaines, comment apprendre à connaître ton bébé ? À te connaître toi en tant que parent ? Comment veux-tu que la maman se repose un minimum si elle doit s’occuper du bébé, de la maison ? C’est une société qui marche sur la tête.

On est encore dans cette vision “c’est la femme qui s’occupe des enfants”

C’est en tout cas ce que dit Éric Zemmour… Lorsque j’intervenais dans les médias pour défendre l’allongement du congé paternité, il balançait : “C’est pas vous qui accouchez, c’est la femme”. Qu’est-ce que tu veux répondre à ça… C’est contre-intuitif. Bah oui, c’est elle qui accouche, donc c’est bien elle qui a besoin de soutien, de repos, de relève… Comment veux-tu créer une société égalitaire à long terme si tu fais reposer toute la charge de la naissance sur la mère ? Ce n’est pas possible.

À quel point l’homme doit-il encore se battre aujourd’hui pour avoir plus de reconnaissance en tant que parent ? 

C’est compliqué de faire bouger les lignes, que ce soit chez les marques [il s’est mobilisé contre des pancartes Casino excluant les hommes au rayon enfant du magasin, ndlr] ou dans l’administration. Par exemple, le fait d’avoir des tables de change dans les toilettes pour homme. T’en as chez Ikea, mais tu as encore beaucoup de lieux publics où c’est chez les femmes. Tout cela va prendre du temps. Mais on va y arriver !

Dans tes posts Insta, on voit que c’est important pour toi de montrer les bons moments mais aussi les mauvais…

Évidemment ! L’envie première, c’est de partager tout ce qu’il y a de plus beau dans la parentalité. Et après, la vraie vie te rattrape. Mon but n’est pas d’édulcorer, mais de raconter aussi les soirées galère, la fatigue, la vraie vie de parents quoi ! Être parent, c’est des bonheurs extraordinaires comme des galères extraordinaires.

Instagram a longtemps été associé à une mise en scène, à une idéalisation. Comment tu gères ça ? 

C’est de ne pas être dans la dictature du beau. Même si je poste de belles photos – mon papa étant photographe – c’est au service de textes qui vont raconter la vraie vie. C’est dire : “Ce soir, je m’en sors pas, mais c’est ok”. C’est juste être naturel. C’est aussi toucher les gens dans leur quotidien. Car au fond, on vit tous la même chose, comme oublier les chaussures du petit à la crèche. On n’est pas une famille artificielle. Et les gens le voient.

Sujet plus sensible : Le Monde a récemment rapporté des chiffres concernant les photographies d’enfants qui s’échangent sur les forums pédopornographiques. 50% d’entre elles seraient initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux…

Pour moi, c’est un chiffre choc pour faire peur aux gens. L’objectif de cette proposition de loi, portée par le député Bruno Studer, c’est de sensibiliser les parents. Parce qu’en effet, tu en as qui postent vraiment tout et n’importe quoi dans le but de générer du like et/ou de l’abonnement. Tu as tellement d’abus, des challenges à la con comme celui où tu devais balancer une tranche de fromage fondu sur la tête du bébé pour voir sa réaction… C’est d’une absurdité effrayante. Avant, t’avais ton album photo, tu rigolais face aux photos embarrassantes avec tonton et tata. Maintenant, que tu aies un petit ou très gros compte, tes photos peuvent se retrouver partout. Dans ce cadre-là, il faut faire hyper attention à ce que tu mets. Selon moi, c’est juste être mesuré et prudent.

  • Retrouvez Papa Plume sur son site et sur Instagram
  • Son livre “Je ne m’attendais pas à ça” est disponible ici
  • Son premier roman sortira le 25 mai prochain.