- Beauté & Bien-être
- Lifestyle
Une maison de parfum qui plonge ses racines dans la famille, l’art et la nature
Baptiste Bouygues, co-fondateur de la maison de parfum Ormaie Paris qu’il a imaginée avec sa maman Marie-Lise Jonak, nous raconte son amour du savoir-faire, sa passion pour l’art et la création de leurs parfums naturels. Des fragrances uniques porteuses de messages inspirés d’histoires personnelles. Rencontre.
Comment est née votre maison de parfum Ormaie ?
J’ai toujours su que je voulais créer une maison de parfum. Initialement, je viens du milieu du luxe et ma mère était directrice de création pour des grandes maisons. Depuis que je suis petit, je baigne dans ce monde, dans ces odeurs qui créent de l’émotion. Pour moi, les plus belles peintures, les plus beaux livres sont ceux qui parlent de choses de l’intime, de sentiments universels qui font écho chez tout le monde. Je trouve qu’il manquait cela dans le milieu du parfum, cette créativité.
D’où vient le nom « Ormaie » ?
La maison s’appelle « Ormaie » car l’orme est un bois qui a toujours fait partie de mon paysage, un arbre qui a malheureusement disparu en France. Il y en avait un chez mes grands-parents, il me rappelait ce savoir-faire de la parfumerie oublié. Depuis le début, il est très présent dans tout ce que l’on fait, on a réussi pour la dernière fragrance qui est sortie, Tableau Parisien, à utiliser de la loupe d’orme pour sculpter les capots.
Qu’est-ce qui vous fascine dans l’artisanat ?
Depuis tout petit, je suis passionné de savoir-faire, mon grand-père sculptait le bois. J’adorais le regarder faire pendant des heures dans son garage, il avait un talent fou. Il travaillait des objets, ses meubles, c’était un artiste incroyable. L’art n’était pas son travail car à l’époque, cela n’était pas concevable, mais une passion incroyable. Je continue à admirer le travail des mains de ceux avec qui nous collaborons pour Ormaie : les verriers, les sculpteurs, les imprimeurs…
Comment imaginez-vous les parfums ?
Tous sont liés à des personnes ou des souvenirs. Pour raconter ces histoires très personnelles, j’ai voulu utiliser les plus belles matières premières naturelles. C’était un savoir-faire totalement oublié et compliqué à mettre en place, mais on l’a fait. Au bout de deux ans de travail et de recherche, ma mère me présente Les Brumes, la première fragrance, Ormaie était née. Le naturel prend beaucoup plus de temps, un parfum met environ trois ans à être élaboré.
Comment s’organise le travail entre une mère et un fils ?
On est très complémentaires. Je suis celui qui insuffle une histoire, une vision et ma mère développe toutes les fragrances en partant chez les parfumeurs. Ce qui est incroyable quand tu travailles avec ta mère dans ce milieu, c’est que nous avons la même mémoire olfactive. Nous avons connu les mêmes endroits, les mêmes personnes et nous arrivons à construire nos fragrances comme ça. Par exemple, quand je lui dis : « ça sent le savon qu’il y avait chez Mamie », elle sait exactement de quoi je parle. Et ce qui est super entre nous, c’est qu’une fois les murs d’Ormaie Paris franchis, on redevient un duo mère-fils dans l’intime, on ne parle plus du travail.
Enfant, vous avez vécu chez vos grands-parents, quelle est l’odeur de cette période de votre vie ?
En effet, je voulais un parfum qui me rappelle cette période. Notamment celle de l’école primaire dans laquelle j’étais et qui fut aussi celle de ma mère, c’est de cette mémoire que Papier Carbone a été imaginé. Une fragrance qui donne l’impression de sentir du papier, de l’encre & de la réglisse que j’adorais petit.
Pouvez-vous nous raconter le parfum que votre grand-mère vous a inspiré ?
Yvonne, le prénom de ma grand-mère, portait toujours des classiques qui sont à la fois très élégants, mais un peu désuets, j’ai voulu moderniser ces odeurs. Sur la rose et le patchouli – la famille olfactive des chyprés – maman est venue ajouter des notes de framboise, de cassis, ces fruits rouges changent tout. Elle qui détestait son prénom et maintenant très fière d’avoir un parfum qui s’appelle Yvonne et elle le porte non-stop !
Le Passant, c’est l’odeur de votre papa, comment l’avez-vous créée ?
Le Passant est la retranscription de l’odeur dont je me rappelle de lui. Il portait un parfum à la lavande – Pour un homme de Caron – et je voulais la retrouver mais un peu plus douce, on y a donc ajouté de la vanille. C’était un parfum très difficile à composer pour moi et maman, on a failli ne pas le sortir. Au dernier moment, alors qu’on était à deux doigts d’abandonner, je me suis souvenu que mon père avait toujours sur lui du papier d’Arménie dans ses poches, l’odeur du benjoin. On a ajouté cette touche, et c’était celle-ci. Le Passant, c’est un hommage, mais aussi un clin d’œil à la chanson de Brassens – Les passantes – qui est une de mes préférées.
Pouvez-vous nous parler du travail fait sur le flacon en lui-même ?
Après la première fragrance aboutie, Les Brumes, j’ai commencé à travailler dessus. Chez nous, j’ai toujours connu ces énormes reproductions de flacons de parfums, les factices. Je voulais retrouver l’idée que notre flacon fasse partie des objets de décoration de la maison. Tout devait avoir un sens. Le verre – qui vient de la seule verrerie qui utilise de l’énergie renouvelable – a douze facettes qui rappellent le temps qui passe, le bois est poli à la main, tous les capuchons sont sculptés. Chaque forme est en lien avec la fragrance. Les typographies de chaque étiquette sont différentes, en accord avec la fragrance.
Qu’est-ce que le parfum naturel change du synthétique ?
Nous sommes les héritiers d’une parfumerie qui évolue avec le temps. Les différentes notes changent au cours de la journée, c’est de la poésie. C’est cette durée du parfum, sa transformation que l’on obtient grâce aux structures qu’on a mises en place dans son élaboration qui est unique. Nos matières premières sont sélectionnées pour leur qualité et les conditions éthiques et écologiques dans lesquelles elles sont produites. On ne retrouve cela chez aucun parfumeur.
Au final, qu’est-ce que cela change d’avoir une affaire familiale ?
Le but d’Ormaie, c’est la créativité, d’être heureux, pas le profit. Avec ces objectifs en tête et dans le cœur, on travaille différemment avec les entreprises, les artisans qui sont dans la même lignée que nous. On affectionne leur travail, mais aussi les valeurs que nous partageons, avec cet engagement commun dans l’humain comme dans l’environnement. Les capots par exemple, sont sculptés dans du bois de hêtre issu de forêts françaises gérées durablement et polis à la main. Notre logo reprend les formes des 7 premières fragrances. Nous avons toujours voulu montrer qu’Ormaie – comme une famille – allait durer dans le temps, il n’y a pas de produit qui va disparaître, c’est un héritage familial que nous créons.