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Notice beauté : comment détecter une marque (vraiment) responsable ?
Ingrédients certifiés d’origine naturelle, bio, vegan, labels éco-friendly… Savez-vous lire les étiquettes de vos produits préférés ? Comment s’assurer qu’une marque est véritablement “green” et soit disant aussi bonne pour votre peau que pour la planète ? Qui régit la beauté clean ? Pour vous aider à démêler le vrai du bullshit, l’accessoire de l’essentiel et les preuves de greewashing, Doolittle s’est renseigné auprès de ceux qui, il nous semble, tentent de faire au mieux dans la jungle des cosmétiques.
En janvier dernier, le magazine 60 Millions de Consommateurs publiait un nouvel essai comparatif. Résultat sans appel : sur 17 crèmes analysées (distribuées en parapharmacies et en grandes surfaces), plus de la moitié contenaient des ingrédients controversés – jugés trop irritants, polluants, perturbateurs endocriniens ou potentiellement cancérigènes. Sympa.
Depuis une quarantaine d’années, les scandales sanitaires ont aussi le bénéfice d’avoir influencé la réglementation des produits cosmétiques (selon Scandals and cosmetic products regulation, dans Droit & Médecine, 2017). L’affaire du talc Morhange, l’affaire du sang contaminé, l’affaire Médiator… Parfois, c’est aussi le moteur au lancement d’une marque – on se souvient de Respire créée par Justine Hutteau après avoir découvert une tumeur à la poitrine à cause, probablement, de déodorants suspicieux.
En 2023, impensable de faire l’impasse sur une stratégie RSE et un sourcing de qualité. Combien de nouvelles marques avez-vous vu naître ces dernières années sans la mention bio, “clean” ou à base d’ingrédients naturels ? Pour les équipes de Dr Hauschka – la marque de cosmétiques pionnière en termes de naturalité depuis 1967 – la RSE n’est même plus une question, mais le point de départ de la raison d’être d’une marque : “Ces dernières doivent le prendre en compte (en plus de la qualité et du juste prix) si elles veulent pouvoir subsister sur un marché où le nombre de marques en présence n’a jamais été aussi important. Les marques qui feront la différence seront celles qui apportent le plus de valeur ajoutée aux consommateurs et donc au marché.”
Dans les nouveaux venus, en 2021, Debora et Baptiste lancent Refyld, des produits de soins et hygiène rechargeables pour réenchanter le quotidien. Leur combat à eux, c’est l’anti-gaspi : une solution écologique clé en main facilement adoptable pour chacun, sans avoir l’impression de faire un effort. Savon, dentifrice, shampoing, 100% des ingrédients sont fabriqués en France et garantis d’origine naturelle, dans des packagings rechargeables (à retrouver dans une sélection de boutiques triées sur le volet, sur leur site et sous forme d’abonnement). Selon la co-fondatrice, il y a 4 critères importants à regarder avant d’acheter le moindre produit : “L’origine de fabrication et des matières premières, la nature du contenant (est-il rechargeable ou réutilisable ?), la naturalité du produit et la transparence sur les coûts et les marges communiquée par la marque.”
Comment détecter le greenwashing d’après cette entrepreneure engagée ?
“Selon l’astrophysicien Aurélien Barrau : « Travailler la beauté est plus urgent et plus radical que d’équilibrer son bilan carbone. Il faut une révolution politique, poétique et philosophique ». Et bien, avec les produits et marques de beauté, c’est la même chose. Si une marque nous parle de son bilan carbone avant même d’avoir évoqué ses produits, leur fabrication, provenance et mission, c’est un peu hypocrite et ça conduit à un greenwashing à grande échelle.”
Cosmos Organic, Natrue, Ecocert, Demeter, Cruelty Free, FDC Certified, Fair Trade Certified, Certified B Corporation… Quid de l’importance des labels pour les marques responsables émergentes ? Pour Débora de Refyld, ce n’est pas un aboutissement, mais un cadre. “À nuancer toutefois car tous les labels ne se valent pas et comme dans l’alimentaire, un produit non bio n’est pas forcément un mauvais produit. Il y a parfois des ingrédients qui ne peuvent tout simplement pas être labellisés, par exemple, la spiruline n’est jamais bio car elle pousse dans la mer, un milieu incontrôlable. Il y a aujourd’hui beaucoup d’allégations ou de labels trompeurs et injustifiés dans le monde de la beauté. Le terme « Cruelty Free », lui, est largement mis en avant, alors que les tests sur animaux sont déjà interdits en Europe depuis 2009. Il y a aussi souvent beaucoup d’allégations environnementales liées aux packagings du type « biodégradable » interdit par la loi AGEC”.
Quelques labels à vérifier :
– Le label Cosmebio : garantie d’un produit issu de l’agriculture biologique, et d’un impact environnemental limité. Ces produits doivent être composés d’au moins 95% d’ingrédients naturels, dont 10% issus de l’agriculture biologique. (oui, seulement). Ils ne doivent pas contenir de matières premières animales, ni de conservateurs de synthèse.
– Le label Ecocert : qui promet de produits fabriqués à partir d’ingrédients naturels et biologiques, dans le respect de l’environnement et de la santé. Ils sont composés d’au moins 95% d’ingrédients naturels, dont 5% minimum issus de l’agriculture biologique.
– Le label Natrue : des produits naturels et biologiques, respectueux de l’environnement. Pour obtenir la certification, les produits doivent répondre à des critères stricts en termes de composition, de production et de durabilité. C’est par ailleurs, un label co-fondé par la marque Dr Hauschka citée plus haut.
– La label Vegan : qui certifie que le produit ne contient aucun ingrédient d’origine animale et qu’il n’a pas été testé sur des animaux. À ne pas confondre avec « Cruelty Free », qui, comme Débora l’indique, précise qu’aucun test sur animaux n’a été effectué. Une mesure interdite en Europe depuis 2009, et donc merci bien, évidente.
Il est important de noter que ces labels ne garantissent pas nécessairement que le produit est entièrement écologique (ce qui n’est pas la seule mesure à inspecter) mais plutôt qu’il répond à certains critères environnementaux et sociaux.
Debora ajoute, “ce que l’on prône chez Refyld, c’est ce fameux cadre de base. Celui d’un produit naturel, fabriqué localement, avec des ingrédients qui apportent quelque chose à la peau et un packaging réutilisable ou à minima réellement recyclable – même si la recyclabilité est aujourd’hui devenue un argument de vente, ou en tout cas un élément de justification pour de nombreuses marques… Au-delà des labels, lorsque nous concevons nos formules, nous adoptons une posture de militant qui nous permet de mettre du bon sens, plus que des labels, sur toute notre chaîne de valeur (de la recherche de nos matières premières, à la distribution) à notre positionnement sur le marché (des prix justes et accessibles, une offre qui porte nos engagements). À ce stade, une marque prend déjà ses responsabilités. Et nous sommes convaincus que labels ou non, même sur un marché très vaste, les consommateurs reconnaîtront toujours la proposition la plus cohérente et sauront toujours reconnaître la convergence entre les discours et les actes.”
À garder en tête : lisez donc attentivement la liste des ingrédients et vérifiez quelques certifications pour un choix éclairé ! Et oui, comme pour l’alimentaire, ne mettez pas toutes vos billes dans les applications de notation comme Yuka. Le bon sens et les connaissances resteront vos meilleurs indicateurs. Préférez des soins avec le moins d’ingrédients possible (ce qui garantit leur naturalité), des marques françaises et transparentes.
Toujours perdu dans la jungle des cosmétiques et des allégations ? Faites confiance à des curateurs, qui sélectionnent les marques grâce à des chartes exigeantes. C’est le cas de Oh My Cream, le concept store de la beauté alternative fondé par Juliette Lévy en 2012. Marion Massias, ancienne directrice retail et désormais directrice expertise et expérience client nous éclaire : “On référence des marques efficaces, on les teste, on challenge les marques sur les pourcentages d’ingrédients actifs. Ensuite, c’est la sûreté, la sécurité, d’où un charte de sélection bien précise : notre blacklist, ce sont d’abord des ingrédients “polémiques”, pas interdits mais en cours de ré-étude : des silicones, certains filtres solaires, conservateurs… Ou alors des ingrédients dont on tolère la présence, mais en inspectant scrupuleusement l’usage et le type de produit. Par exemple, certains conservateurs sont totalement OK sur des peaux adultes saines, mais pas sur un enfant. On regarde aussi le rapport qualité-prix du produit, et les engagements de la marque”. En témoignent les marques référencées dans ce concept store online et leurs 25 boutiques, comme Tata Harper, Ren Skincare, Rowse, Odacité, Antipodes…
On en vient à une question, si on va encore plus loin, parle-t-on d’exigence ou de marketing de la peur ? Marion continue, “tout ce qui est synthétique n’est pas forcément mauvais par exemple. Il faut se dire que toutes les formulations sur le marché en France sous la réglementation européenne sont revues par des toxicologues qui prennent d’énormes marges de manœuvre. Je pense par exemple au phénoxyéthanol (NDLR : qui empêche le développement de micro-organismes), un conservateur controversé. Pour qu’il y ait un danger de perturbateur endocrinien, il faudrait que le client s’applique 47 pots de crèmes sur le visage par jour ! Je recommande surtout de faire attention aux allergies, mais pour une peau saine, il n’y a pas de problème.”
Mais pourquoi sommes-nous aussi exigeants en Europe, et pas aux Etats-Unis, en Corée ou en Chine ?
Une bonne question selon Marion. “En Europe, il y a eu un sorte de consensus entre tous les pays, donc beaucoup de données scientifiques regroupées. Dans les autres pays, c’est juste un seul bloc. Même si de nos jours, la plupart des marques se base sur la réglementation européenne pour formuler les produits”. Bon, peut être pas Nickie Paris, la marque de cosmétiques plébiscitée par les influenceurs qui voit le nombre de plaintes exploser après pertes de cheveux, douleurs et démangeaisons après plusieurs utilisations (on vous invite à aller lire l’enquête de nos confrères chez Slate).
Comment détecter un produit louche ? À part une recommandation d’un influenceur frauduleux (ok, on arrête), Marion recommande de regarder le packaging. Il n’existe pas de sigle européen, en revanche, le packaging doit répondre à certaines exigences de la législation (que l’on connaît précisément uniquement si l’on travaille dans le milieu ou si l’on est très habitué aux cosmétiques nous explique Marion. Conseils d’utilisation, une adresse d’un siège social ou d’une personne responsable à contacter en cas de problème. Si le packaging (carton et contenant) vous parait light en termes d’information, passez votre chemin.)”
Et si tout va plutôt “bien” en Europe niveau formulation, quel est le combat des acteurs dits “responsables” sur le marché ?
Anti gaspi, entièrement naturel, safe, réutilisable… Impossible de faire du 100% naturel par exemple, il faut choisir ses combats. Pour Refyld, c’est de “continuer à prendre part au mouvement des entreprises régénératrices, celles qui rendent davantage aux écosystèmes qu’elles ne leur prennent. Pour réussir ce pari, il faut s’autoriser à tout repenser et continuer à mettre de l’audace et de la créativité au cœur de notre évolution”.
Chez Oh My Cream, c’est d’abord de concevoir des produits les plus écologiques possible, en utilisant des huiles végétales par exemple. Selon Marion, “c’est impossible d’avoir des ingrédients à impact environnemental zéro. On n’utilise pas de silicones mais n’est pas bio (NDLR : sur la marque propre Oh My Cream Skincare), car il y a beaucoup d’allergènes dans le bio et on voulait des produits accessibles au plus grand monde. Après la formulation, on travaille aussi sur un système de recharges et sur des packs moins impactants. Les packs éco-conçus à partir de matériaux issus de la canne à sucre c’est génial, mais si ça vient du fin fond du Brésil, moins. Niveau bilan carbone VS impact plastique classique, il n’y a pas grand chose à gagner.”. À ce jour, Oh My Cream travaille notamment avec des consultants externes pour lancer des études et faire toujours mieux. “Un chantier hyper compliqué ! En attendant, on intègre la dimension RSE dans chacune de nos décisions. On donne toutes nos denrées (nourriture lors d’évènements, meubles dans les bureaux, produits de beauté inutilisables) à des associations, on limite le papier, on arrête les totebags et pochons en coton… »
Le goal absolu du concept store bien sous tous rapports ? “Être certifié B-corp !”
– La certification B Corp : une reconnaissance donnée aux entreprises qui s’engagent à atteindre des normes élevées en matière de responsabilité sociale, de durabilité et de transparence dans tous les aspects de leur activité. En obtenant la certification B Corp, une entreprise montre qu’elle est déterminée à utiliser son activité pour avoir un impact positif sur la société, l’humain (ses employés compris) et l’environnement. En beauté, c’est le cas de Rituals, Weleda, The Body Shop, Dr Bronner’s, Cozie, Baûbo…
Restez par ici, on parlera plus en profondeur de la certification B-corp, notamment dans la mode. Et comme dans la beauté, nous vous aiguillerons sur la façon dont analyser des marques de mode éthiques, grâce à des experts !
- Merci à Dr Hauschka, Oh my Cream et Refyld pour leur éclairage !
- Retrouvez leurs actualités sur @drhauschka.fr, @ohmycream et @refyld