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Michel Ocelot : <i>« Je suis un gourmand dans une confiserie »</i> - Doolittle
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Michel Ocelot : « Je suis un gourmand dans une confiserie »

Après la trilogie à succès Kirikou et son précédent long métrage Dilili à Paris, le maître de l’animation française Michel Ocelot fait un triple salto géographique et temporel dans son nouveau film Le Pharaon, le Sauvage et la princesse. Cette fois, il nous emmène d’abord en Egypte antique, puis dans une Auvergne moyenâgeuse et en Turquie au XVIIIe siècle pour suivre, au travers de trois contes, des aventures romanesques truffées de palais fastueux, de monarques cruels, de beignets parfumés et de princesses désobéissantes. Discussion avec un réalisateur intemporel qui nous explique pourquoi ces princesses sont cool et qu’il n’y a pas d’âge pour les aimer.

Comment est né votre nouveau film Le Pharaon, le Sauvage et la princesse ?

Je sortais de tourner « Dilili à Paris », qui a été dur à porter à plusieurs égards (6 ans de préparation pour un long métrage racontant le combat d’une petite fille métisse contre une secte masculiniste, ndlr), et j’ai décidé de faire des histoires plus courtes et plus légères. La préparation s’est faite comme d’habitude, seul et dans le silence : scénario, dialogues, storyboard, modèles de personnages, esquisses de décors. Tout cela s’est passé pendant les confinements qui ne m’ont ralenti d’aucune manière, j’étais à mon bureau comme d’habitude. Le tournage s’est bien passé, en partie à Bruxelles et en partie dans un village de la Moselle, parce que la Belgique et la Région Grand-Est nous ont donné quelque argent.

Trois contes, trois époques et trois cultures différentes. Où trouvez-vous donc vos inspirations ?

Tout m’inspire, toutes les régions, toutes les époques. Je suis un gourmand dans une confiserie et je veux tout goûter.

Le confinement vous a-t-il donné des idées ?

La conteuse dans le chantier a été le tout premier dessin que j’ai fait pendant le premier grand confinement. Ce confinement, jamais vécu, était effarant. Je me suis dit que c’était comme la guerre, un pays qui s’arrête totalement et de grosses sommes d’argent à rembourser un jour. Il faudra retrousser ses manches et reconstruire. J’ai donc dessiné, dans un chantier, une conteuse en bleu de travail. Mais attention, ce n’est pas parce qu’on est en bleu de travail qu’on n’est pas élégante !

 La diction dans vos films est unique en son genre, les mots et les tournures de phrases peuvent paraître simples, presque naïfs. Votre nouveau film n’échappe pas à la règle.  Pourquoi ?

Je n’ai pas conscience de demander une diction particulière aux comédiens. Mais j’ai probablement exprimé, d’une manière ou d’une autre, l’évidence : si on parle, il faut se faire comprendre parfaitement. Mes phrases sont très compréhensibles, mais je ne crois pas que les mots soient si simples et si naïfs.

 Pourquoi avoir choisi le conte comme moyen d’expression ?

Je me trouve extrêmement à l’aise dans le conte. Il permet de faire systématiquement quelque chose de joli. La beauté et le plaisir m’intéressent. Et sous les jolis déguisements, mine de rien, on peut dire tout ce qu’on veut sans que le public proteste, et on va plus vite au but qu’avec un récit réaliste.

Votre public a-t-il changé depuis vos débuts ?

Je ne sais pas. Ce que je sais c’est que des magnifiques jeunes adultes viennent me remercier pour ce que j’ai fait pour eux, les petites histoires que je leur ai racontées quand ils étaient petits, et ils ajoutent : « Ces histoires, je les regarde encore aujourd’hui ».

Réaliser un film qui se passe dans la France d’aujourd’hui, vous y pensez ?

Oui, j’y pense, ou on m’y fait penser. Mais sortez dans la rue, et regardez comme les gens sont habillés triste. Vous avez envie de faire un dessin animé avec ça ?

Des films d’animation à conseiller ?

Les titres que je donne volontiers :  « Persepolis » de Marjane Satrapi et, plus récent, « Josep » de Aurel.

Regardez-vous les films des géants comme PIXAR et Walt Disney ? Ou du Studio Ghibli ?

PIXAR et Walt Disney, ce sont désormais des fabrications de grandes usines prestigieuses, et je n’ai pas beaucoup de temps pour les regarder. Je me sens plus proche de ceux du studio Ghibli. Takahata et Myazaki n’ont jamais cessé d’être des grands créateurs libres, n’obéissant à personne.

Libres et n’obéissant à personne… Comme vos héros qui rejettent toute forme d’autorité qu’elle soit parentale, policière ou religieuse. La rébellion est-elle souhaitable ?

Il faut savoir dire NON et s’y tenir.

 À propos d’un de vos premiers films, vous disiez : « L’histoire est toujours le principal ». Le pensez-vous toujours ?

Je le pense toujours : histoire, histoire, histoire ! Je suis en train d’écrire un autre projet de trois moyens métrages d’une part, et d’autre part j’envisage une grande série pour faire l’Europe avec les contes de fées.

 Vous avez dit que « personne ne voulait de moi » au début de votre carrière. Quel conseil donnez-vous aux jeunes passionnés qui ressentent ça ?

Je leur dirai « Tenez bon ». Mais dans l’animation aujourd’hui, tout va beaucoup mieux que lorsque j’ai commencé.

Et notamment pour les femmes ?

Oui. Il y a vraiment une progression de la présence des femmes dans le cinéma, et particulièrement dans le cinéma d’animation.

 D’ailleurs le féminisme est un sujet qu’on retrouve dans vos films, notamment dans Dilili à Paris. Est-ce un avertissement pour les nouvelles générations ?

Bien sûr que c’est un avertissement sur un sujet terrible, et l’avertissement vaut pour les jeunes… et les vieux !

Les vieux, aussi ? Finalement, à qui s’adressent vos films ?

Mes films s’adressent à tout le monde systématiquement. Je n’ai jamais fait des films pour les enfants. Et c’est pour cela qu’ils m’aiment !

Michel Ocelot : <i>« Je suis un gourmand dans une confiserie »</i> - Doolittle
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  • Le pharaon, le sauvage et la princesse, un film de Michel Ocelot actuellement au cinéma.
Par Marie Courquin