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En aparté : Face au deuil, comment parler de la mort à ses enfants ?
Être parent, c’est jongler entre mille et une casquettes. Gérer l’organisation familiale, l’équilibre entre le travail et la vie perso, le couple, la fatigue… le tout en maintenant un cadre rassurant pour ses enfants. On fait de notre mieux pour ne pas (trop) leur montrer quand ça ne va pas. Mais qu’en est-il du deuil ? Comment aborder la mort de son propre parent avec ses enfants ? Récit d’un deuil entouré d’amour.
Choisir les « bons mots »
Avant d’annoncer la nouvelle de la mort de leur mamie à mes deux fils de 2 ans et 4 ans, j’ai effectué quelques recherches sur la « forme » à donner à cette nouvelle. Je suis tombée sur un site très bien (dans les premiers référencés sur Google) qui donnait des conseils comme : leur annoncer en nommant les choses et par « choses » on entend donc principalement la phrase : « mamie est morte ». On évite les étoiles, le ciel et toutes les images célestes abstraites bien mignonnes mais peu concrètes pour des petits qui ont besoin d’infos claires et franches.
J’ai choisi de parler à mon aîné de 4 ans en premier. Alors que je m’étais préparée à un moment difficile, il m’a surprise en déclarant : « Je savais déjà. J’avais deviné car elle était à l’hôpital. » Son calme et sa lucidité m’ont laissée perplexe, alors que je tremblais d’apporter cette information redoutée. Face à mon chagrin, il a d’abord semblé adopter une attitude détachée, presque indifférente. Puis, voyant mes larmes, il s’est mis à « pleurer », comme pour imiter mon expression. J’ai tenu à le rassurer en lui expliquant qu’il avait tout à fait le droit de ne pas ressentir de tristesse et de ne pas pleurer s’il ne le souhaitait pas, à ce moment précis. « D’accord », m’a-t-il répondu d’un air neutre, avant de se replonger dans son jeu de figurines.
C’est plutôt ma propre tristesse qui a semblé les perturber. « Maman est triste », « Pourquoi tu pleures ? », « Viens on va jouer pour que tu oublies que mamie est morte », « Je vais te lire une histoire »… Face à mes larmes, mes fils ont cherché à me consoler, à détourner mon attention de la douleur. Face à mes larmes, ils ont cherché à me consoler, avant tout.
Leur réaction m’a fait prendre conscience que, dans ce contexte particulier (et à leur âge) l’expression de mes émotions d’adulte pouvait avoir un impact plus important sur eux que la nouvelle du décès en elle-même. Je ne m’y attendais pas.
Lâcher-prise
Touchée par leur réaction, j’ai laissé aller ma tristesse, assumant ma vulnérabilité et mon chagrin. Mes fils se sont montrés d’une force et d’une tendresse bouleversantes. Ils m’ont entourée de mots doux, de caresses sur mes joues mouillées, d’attentions délicates. Leur force tranquille m’a permis de réaliser à quel point les enfants sont des êtres incroyables. Dotés d’une intuition et d’une sensibilité extraordinaires, ils savent capter nos émotions et nous offrir un soutien précieux, même dans les moments les plus difficiles. En cette période de deuil, mes fils ont été mes piliers, mes rayons de soleil dans la nuit. Ils m’ont montrée que l’amour et la tendresse ont un pouvoir immense, capable de surmonter la douleur et de redonner espoir (bon ils se sont tenus à carreaux pendant 48h, il ne faut pas trop en demander non plus).
Il y a même eu des moments comiques, j’expliquais à mon aîné que j’allais dire au revoir à sa mamie (en chambre funéraire donc sans toutefois lui donner cette info) et son seul intérêt était de savoir à quoi elle ressemblait, son aspect physique : « mais c’est un squelette maintenant ? » J’ai bien sûr omis de lui dire qu’elle n’en serait jamais un. « Tu peux faire une photo » « mmh moui ? » jusqu’où faut-il aller pour leur rendre à eux aussi la nouvelle concrète ?
Le lendemain des obsèques, j’ai accepté sur sa demande réitérée de lui montrer une photo du cercueil entouré de fleurs, avec son linceul solaire qui le décorait. Il a dit : « Mamie était dedans » et il est parti. C’était concret, il en avait besoin, car il ne parvenait pas à comprendre où pouvait-elle bien être à présent qu’elle était morte.
Quant à mon plus jeune fils, il a lui aussi, à sa manière, accueilli l’information. Il n’a exprimé aucune réaction à l’annonce, mais quelques jours plus tard, dans la voiture, pendant un moment de silence il a dit « Mamie partie ». A sa manière, il a parfaitement intégré qu’il ne la reverrait plus et, de temps à autre, il l’exprime, quand un souvenir le submerge.
C’est la première fois que je fais face à un deuil si grand, le deuil de ma mère, de la grand mère de mes enfants et de toutes ces réunions familiales qui ne seront plus. J’aimais ma maman du plus profond de mon cœur, mais l’amour que je porte à mes enfants est incomparable, c’est indéniable que la vie continue pour eux.
Mes conseils pour annoncer le décès d’un grand-parent à de jeunes enfants (2-5 ans) :
- Choisir le bon moment et le bon endroit dans le calme et un lieu familier où l’enfant se sent en sécurité.
- Utiliser un langage simple et direct. Expliquer que leur grand-parent est mort et ne reviendra plus.
- Montrer ses émotions. Il est normal de pleurer devant vos enfants. Cela leur montre que c’est naturel d’être triste et que vous partagez leur chagrin.
- Lui dire que vous l’aimez et que vous serez là pour lui pendant cette période difficile.
- Accueillir chaque conversation autour de la personne défunte.
Enfin, je terminerai par un dernier conseil plus personnel – celui qui a répondu (en partie) à ma question : et comment on garde le lien ? Ma crainte c’est évidemment que mes enfants oublient leur grand-mère, et ils l’oublieront vu leur jeune âge, mais en attendant que le temps fasse son travail, je porte un médaillon avec la dernière photo prise de ma mère souriante. Et sans que je dise quoique ce soit, tour à tour mes garçons me demandent de regarder la photo de Mamie et ils lui glissent des « coucou » des « je t’aime » qui m’emplissent le cœur vide que son départ a laissé de beaucoup de réconfort.